Homélie du 6 octobre 2011 à la Castille – Messe de rentrée des catéchistes

 » Je vous remercie d’être venus à cette journée pour refaire des forces, pour recevoir ensemble une formation commune, les orientations communes sur ce service que l’Eglise vous confie auprès des jeunes. Vous le faites en lien étroit avec les pasteurs qui sont les premiers exégètes et les premiers catéchistes à qui le Seigneur confie l’ensemble des chrétiens et donc les enfants. Il est important que les prêtres s’impliquent aussi dans la catéchèse en étant présents auprès des jeunes. Cette tâche est celle de l’Eglise qui est catéchète, car elle transmet aux générations nouvelles les vérités de la Foi. Cette tâche de transmission se heurte aujourd’hui à un certain nombre de difficultés dont il faut prendre la mesure.

>>Quatre difficultés de la catéchèse :


– I. La crise de l’autorité :

Nous nous trouvons dans une situation de crise de l’autorité, c’est- à- dire des figures d’exemplarité et d’antécédence. La crise des familles et la crise de la paternité constituent une des expressions de la crise de l’autorité. Lorsque disparaît la figure référentielle qui prévaut sur les points de vue particuliers, cela nous empêche de transmettre une vérité qui supplante les opinions individuelles, puisque tout est ramené à l’expérience subjective de chacun. La crise de l’autorité n’est pas simplement à l’intérieur de l’Eglise, mais, plus généralement à l’intérieur de la société.


– II. La crise de la mémoire :

Nous sommes immergés dans la philosophie « du progrès » : l’humanité est censée se diriger vers un progrès inexorable et continu. Cette idée a été développée à partir du siècle des lumières. L’homme est censé se construire lui-même, acquérir par lui-même la liberté. L’être humain doit doit s’affranchir de tout héritage et s’exonérer du passé.


– III. La crise de la raison :

Le pape Benoît XVI en parle souvent. Nous entendons souvent cette réflexion : «Qu’est ce qui prouve que Dieu existe ?» Beaucoup d’arguments se développent aujourd’hui pour prétendre que la foi est irrationnelle. Nous avons réduit la raison à un ordre purement technologique : est raisonnable ce qui est démontrable sur le plan scientifique. Selon la tradition la plus lointaine, la dimension la plus digne et la plus noble de la raison englobe non seulement la science mais la raison est aussi sagesse. La foi est raisonnable. Elle est rationnelle. Le Christ s’est fait Logos, c’est-à-dire Raison. Nous pouvons rendre compte des raisons de croire. Hélas, la tentation de beaucoup est de considérer que la foi n’a rien à faire avec la raison, qu’elle est de l’ordre de l’opinion subjective, sensible et intérieure.


– IV. Passer de l’expérience de la Foi à un exposé organisé :

Cette difficulté qui traverse les siècles est encore plus accentuée aujourd’hui : il est très difficile de passer de l’expérience du croire, expérience personnelle que nous pouvons faire de Dieu, à un discours organisé et élaboré. Nous sommes tous confrontés à cette difficulté qui nous invite à réfléchir sur le contenu et la pédagogie de la foi. Parce que la foi et la raison ne sont pas inconciliables, on doit pouvoir rendre compte de nos raisons de croire par un exposé organique communicable et transmissible. Il faut s’initier au vocabulaire et à la grammaire de la foi.

Pour toutes ces raisons, notre responsabilité éducative exige un travail plus approfondi que lorsque nous étions en régime de chrétienté. Face à ces défis, chers catéchistes, vous avez reçu de l’Eglise 4 missions.

>> Quatre missions pour le catéchiste :


– I. Prier :

Vous accueillez des jeunes. La première mission qui est la vôtre est de prier pour eux : découvrir, à travers la prière, le projet d’amour du Seigneur sur chacun des jeunes. La catéchèse n’est pas simplement un acte de l’intelligence. En effet, la transmission est d’abord la communication de la foi et de la grâce de vivre. La foi se communique au contact des personnes qui en vivent (ce qui convertit, c’est de voir des personnes converties, saisies par la grâce de Dieu). Donc, votre première mission est de prier pour ces jeunes, pour ce que Dieu veut accomplir en chacun d’eux.


– II. Annoncer :

La catéchèse consiste à apporter le témoignage que le Christ est vivant, qu’Il est capable de retourner une existence humaine pour lui donner un sens nouveau, une profondeur, un horizon auquel l’homme ne peut pas parvenir s’il ne le reçoit de la grâce de Dieu. Vous êtes missionnés pour annoncer le Christ à ces jeunes en leur disant : «Oui, pour moi, Le Christ est une personne. Le Christ est vivant, Il est le Fils de Dieu, Il est venu sauver l’humanité, c’est Lui qui donne sens à ma vie». On ne peut réduire la catéchèse à la transmission d’un savoir religieux. A un moment ou à un autre vous êtes requis à l’annonce kérygmatique de la foi.


– III. Enseigner :

La troisième mission qui vous est confiée est inhérente à l’acte même de la transmission : enseigner. La foi n’est pas seulement la communication d’une expérience. La catéchèse est la transmission d’un savoir qui fait partie du trésor de l’Eglise : connaître le mystère de Dieu et le mystère de l’homme. Cette connaissance reçue du Christ, l’Eglise la condense et la concentre dans son catéchisme. La catéchèse forme donc un exposé organique qui embrasse toutes les vérités de la foi. En même temps, ce contenu doit être rendu accessible aux enfants, sans en altérer le sens. Nous ne pouvons pas réduire la catéchèse à une animation spirituelle. La catéchèse, à un moment ou à un autre, passe par l’acquisition d’une connaissance. L’Eglise a reçu un trésor extraordinaire. La Foi est révélation du mystère du Christ et de son action dans l’histoire des hommes.


– IV. Eduquer :

La quatrième mission qui vous est confiée n’est pas simplement de prier, d’annoncer et d’enseigner, mais d’éduquer. Assurément, cette mission d’éduquer revient en premier lieu aux parents, comme pour toutes les autres fonctions (prier, annoncer, enseigner) Vous ne pouvez pas prétendre assumer cette fonction uniquement une heure par semaine. Qu’est-ce qu’éduquer ? Ce n’est pas simplement communiquer une expérience ou un savoir : c’est faire qu’un être, à la lumière du Christ, puisse habiter toutes les dimensions de son humanité. Eduquer un chrétien, c’est lui apprendre à vivre avec le Christ et comme le Christ. La lumière de la Révélation vient éclairer, transformer, purifier toutes les dimensions de notre existence: notre rapport au temps, au corps, à la sexualité, à la vérité, aux autres et à la société. Eduquer, c’est « humaniser », dans la lumière du Christ, toutes les dimensions et toutes les composantes de notre existence. Le véritable travail catéchétique c’est d’aider l’enfant à assumer toutes les dimensions de sa vie, parce que le Christ est venu révéler à l’homme son identité en assumant tout ce qui fait la vie de l’homme. A l’exception du péché, tout ce que l’homme est, trouve dans le Christ sa raison d’être. Aidez les enfants à être des sujets de l’histoire du salut, des êtres libres qui ne se laissent pas se laisser manipuler par des idéologies et les opinions mondaines, à ne pas devenir l’otage du péché mais à se découvrir aimés par Dieu, en comptant sur sa présence.

Je vous invite à adopter 3 regards sur l’enfant à catéchiser.

>>Trois regards du catéchiste :


– I. Regarder l’enfant dans la lumière du Christ :

Le philosophe Lavelle parle de l’amour comme « l’attention pure à l’existence d’autrui ». Aimez les enfants qui vous sont confiés, mais aimez-les dans la lumière du Christ. Ce n’est pas simplement un rapport affectif entre eux et vous qui est en jeu. Vous êtes invités à aimer et à respecter ce que Dieu veut faire de ces êtres ; les aimer dans leur vocation spécifique. Ce regard réclame une vigilance du cœur. Sans doute les parents aiment-ils beaucoup leurs enfants, mais ils ne les aiment pas toujours de cette lumière-là qui est la lumière de la Foi. Posez un regard de foi sur l’enfant mais également un regard d‘espérance : ce que le Seigneur a déjà fait en eux et ce qu’Il veut y faire encore.


– II. Regarder l’Ecriture :

J’aime beaucoup cette peinture de Rembrandt, « le Christ chez Marthe et Marie » (musée Pouchkine à Moscou). Marie de Béthanie lit l’Ecriture dans le clair obscur, et de la Bible jaillit une lumière incandescente, dont la clarté se réfracte sur son visage, en faisant éclater la profondeur de son recueillement. C’est une belle image de l’Eglise. L’Eglise lit l’Ecriture. Elle comprend le monde en lisant la Parole de Dieu, et en la relisant sans cesse à la lumière de sa mission. Le ou la catéchiste, tandis qu’il regarde l’enfant, médite aussi sur la Parole de Dieu. Nourrissez-vous de la Parole. Un des grands apports du Concile Vatican II (Dei Verbum en particulier) est de nous montrer comment l’Eglise lit la Parole de Dieu, s’en inspire et s’en nourrit. La Parole de Dieu nous révèle le mystère de l’Eglise : l’Eglise est la maison de la Parole, le lieu où la Parole est lue, priée, célébrée, partagée et annoncée. Nous ne pouvons pas assumer une tâche éducative chrétienne si nous n’avons pas un rapport étroit et profond avec cette Parole qui nous fait vivre nous-mêmes.


– III. Regarder l’Eucharistie :

Le Christ se rend visible dans l’Eucharistie. La présence de Dieu est certes une présence d’immensité, par la création, mais aussi d’intériorité, dans le silence du recueillement. Mais souvent cette double présence nous échappe. Jésus a voulu donner à son Eglise un signe par lequel nous pouvons le reconnaître. Il se laisse voir dans l’eucharistie. Ce sacrement est le signe réel de la résurrection du Christ. En même temps, c’est un signe humble et substantiel : du pain. De même qu’il faut nous nourrir de pain pour vivre, de même il faut se nourrir de l’eucharistie pour exister comme chrétien. Le pain eucharistique apporte à notre corps et à notre âme, et de façon intime, l’expérience du salut.

Chers catéchistes, prenez le temps de contempler l’Eucharistie et vous trouverez en elle la force de votre mission qui est de donner le Christ à ces jeunes, de leur révéler l’infini amour dont chacun d’eux est aimé et la vocation qui est la leur.

Soyez des adorateurs, des adoratrices. Soyez des disciples de la Parole. Soyez aussi amoureux de ces jeunes car ils révèlent la jeunesse même de l’Eglise.

Que le Seigneur vous bénisse dans cette tâche qui est à la fois difficile et essentielle pour la société et pour l’Eglise. Mais rien n’est plus beau et rien ne donne plus de joie que de donner le Christ au monde, et de Le donner aux nouvelles générations.

Amen. »

+ Dominique Rey

Publié le 05.01.2012.

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