AMP homosexuelle : le chef de l’Etat saisit le Comité d’éthique

Par Pierre-Olivier Arduin, responsable de la commission bioéthique de l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon


Au cours de son entretien avec le président de l’Unaf (Union nationale des associations familiales), François Hollande aurait indiqué son intention de saisir le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) à propos de l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes. Si certains y voient un énième atermoiement de l’exécutif sur un sujet qui divise jusqu’au sein de la majorité, d’autres soupçonnent le chef de l’Etat et son gouvernement de vouloir gagner du temps pour faire voter, étape après étape, une réforme globale sur l’« homoparentalité ».

D’abord écarté du projet de loi sur le « mariage pour tous » présenté en novembre 2012, puis réintroduit par le biais d’un amendement des parlementaires socialistes au mois de décembre, le droit à la procréation pour les lesbiennes a de nouveau été retiré du texte début janvier en échange de la promesse gouvernementale de l’inclure dans une loi sur la famille annoncée pour le printemps.

Arrière-pensées politiques ?

Dernier rebondissement en date, François Hollande a donc annoncé le 25 janvier vouloir saisir le Comité consultatif national d’éthique sur l’aide à la procréation pour les lesbiennes. En fait, on apprenait que ses membres réunis en séance plénière avaient déjà décidé le 24 janvier de s’auto-saisir de la question générale de l’assistance médicale à la procréation, dont la thématique de son ouverture aux couples de femmes (La Croix, 28 janvier 2013). On ne voit pas très bien ce qu’ajoute la saisine de cet organe par le Président si ce n’est brouiller un peu plus les cartes sur un sujet où la majorité donne l’impression de naviguer à vue. Par cette initiative, François Hollande veut-il détourner les critiques qui fusent contre la « PMA homosexuelle », y compris dans son propre camp, en donnant l’illusion d’instaurer un début de débat, jusqu’ici inexistant ?

La loi dite sur la famille étant présentée en conseil des ministres le 27 mars, personne n’ignore qu’il sera impossible aux « sages » de rendre des recommandations dans un délai aussi bref comme en a d’ailleurs convenu le nouveau président du CCNE Jean-Claude Ameisen. Comment le gouvernement pourra-t-il prendre en considération l’avis de cette instance avant de rédiger son nouveau projet de loi si on n’accorde pas à ses membres un minimum de temps pour travailler ? Tout ceci montre une nouvelle fois la précipitation et l’amateurisme dont fait preuve sur ce dossier le couple exécutif.

Plusieurs observateurs – excessivement optimistes ? – estiment par ailleurs que l’avis qui en sortira a toutes les chances de s’opposer aux revendications procréatives homosexuelles. Ils avancent deux arguments en faveur de cette analyse.

PMA = GPA

Au nom des sacro-saints principes de non-discrimination et d’égalité des droits instrumentalisés par le pouvoir actuel pour justifier le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe, le CCNE ne peut ignorer que l’extension de la possibilité d’insémination artificielle avec sperme de donneur au sein des couples de femmes débouchera inévitablement sur la légalisation des mères porteuses pour le couples d’hommes selon l’équation PMA pour les lesbiennes = GPA pour les gays. Or, des mères porteuses, le CCNE a toujours affirmé n’en vouloir à aucun prix, refus réitéré dans un avis récent sur la GPA (Avis n. 110, avril 2010).

D’autre part, le Comité s’est déjà prononcé de manière très ferme contre l’accession de personnes homosexuelles à l’AMP. C’était il y a moins de 10 ans : « L’AMP a toujours été destinée à résoudre un problème de stérilité d’origine médicale et non à venir en aide à une préférence sexuelle ou à un choix de vie sexuelle. L’ouverture de l’AMP à l’homoparentalité ouvrirait de fait ce recours à toute personne qui en exprimerait le désir (…). La médecine serait simplement convoquée pour satisfaire un droit individuel à l’enfant » (Avis n. 90, novembre 2005).

Ce qui était vrai en 2005 aurait-il changé en 2013 (le penser reviendrait à entériner une fois de plus l’idéologie du relativisme qui se donne le droit d’aménager l’éthique en fonction du pouvoir du plus fort) ? Le Comité national d’éthique aura-t-il le courage de reconduire sa position ? Dans cette éventualité, le gouvernement en tiendra-t-il compte ? Rien n’est moins sûr.

Publié le 12.03.2013.

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