70 ans de vie religieuse

Le frère Joseph Tolosa a fété le 13 août 2007, le 70e anniversaire de sa profession de vie religieuse. A l’occasion de ce jubilé, il nous livre son témoignage.


Ce 13 août, je célèbrerai le 70e anniversaire de ma profession religieuse : j’avais alors 19, c’était à Mâcon. Ce fut le plus beau jour de ma vie.

Je m’en souviens comme si je le vivais aujourd’hui. J’avais très nettement conscience que l’engagement que j’allais prendre était un engagement définitif.

« Si tu mets la main à la charrue et que tu regardes en arrière, tu n’es pas digne du Royaume de Dieu ».

Ce qui m’était proposé était la recherche de la perfection par la pratique des trois vœux : pauvreté, chasteté, obéissance, rien que cela ! A 19 ans, c’est l’âge de la générosité et de la recherche de l’absolu. On a bien conscience que cet engagement est un renoncement à l’expression de sa volonté propre. C’était en fait « mourir à soi-même » pour être le libre instrument de l’Esprit : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Dieu qui vit en moi ».

Un vrai jeu de « risque tout » sans position en arrière concevable. « Tout donner pour aimer ». L’absolu vraiment. Un esprit humain qui s’efface pour ne laisser place qu’à la présence de l’Autre, cet autre étant le Christ vu à travers chaque humain : quel bel idéal de vie.

Je confesse aujourd’hui, 70 ans après, que si mon désir de la réaliser est demeuré intact, dans les faits de ma vie privé surtout, j’ai été loin d’avoir été totalement fidèle à cette exigence d’absolu. Mais est-ce- vraiment possible ? Cela demande un équilibre affectif total. Il s’agit bien d’un dépassement de soi, d’un supplément d’âme à vivre. Cette tendresse reçue sur laquelle se fonde solidement une vie pour un rôle essentiel n’est-elle pas donnée au départ par des parents vivant totalement pour leur enfant le formant dans une prise de conscience de sa personnalité pour qu’il puisse faire le choix de vie le meilleur possible.

Et c’est là pour moi que le bât blesse, d’une blessure qui ne s’est jamais totalement cicatrisée.

En effet, celui qui aurait dû être mon père, ayant déjà une famille légitime, ne voulut me reconnaître. Pour sauver sa réputation, il nous jeta ma mère et moi, dans le déshonneur… Totalement démunis, nous n’avions comme appui qu’une institution de bienfaisance nommé « Fourneau économique » ; la nuit, nous couchions sur un banc, toujours le même, près d’un réverbère. Ma distraction était, quand la nuit tombait, de voir l’allumeur de réverbères offrir la lumière : le réverbère était mon ami. Dans mon cœur d’enfant, il était pour moi une présence protectrice, il avait une âme de père…

Passait aussi le soir le « ciapacan » [[terme provençal – prononcez « chiapacan »]] qui prenait dans sa fourrière les chiens errants. Il en fut de même pour nous : un jour notre errance prit fin. Je fus séparé de ma mère qui dut être déchue de ses droits maternels. Je fus placé à l’Assistance Publique et l’on enferma ma mère à l' »asile d’aliénés » (c’est par ce terme qu’on nommait alors tous les cas de folie). Je n’avais que cinq ans.

Dès lors je fus sevré de toute tendresse ; ma mère mourut peu de temps après, je ne sus ni quand, ni comment. A l’hospice, ce fut l’enfermement total. Jamais personne ne venait me voir pour m’apporter un peu de présence affective… Je n’intéressais personne en ce monde. Je n’avais pour m’abreuver que la boisson amère de l’humiliation, parfois le mépris : « tu n’es qu’un bâtard ».

Quand j’eus 12 ans, après des démarches infructueuses, je fus adopté pratiquement par les Franciscains qui me prirent en charge complètement et m’apportèrent les joies austères d’une jeunesse studieuse… et c’est ainsi que je suivis la même route que celle de ceux qui m’avaient apporté un sens à donner à ma vie.

Enfin, et cela se termina sur un paradoxe étonnant : n’ayant jamais donne ce nom, ce doux nom de « Père » qu’à Dieu, je me sentis de ce fait privilégié : j’avais des droits sur Lui comme un enfant en a normalement de son père.

Alors je puis dire, avec un sentiment de force intérieure exceptionnelle, dans le « Notre Père », ce passage : pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Il n’y a pas de plus grand pardon que le pardon offert à un fils à celui qui aurait dû être son père et qui l’a rejeté.

Et bien j’exulte de joie maintenant en proclamant que, non seulement je lui pardonne mais je lui dis merci. Merci car s’il ne m’avait pas laissé ma liberté, je n’aurais pas connu cet idéal de vie qu’est la vie religieuse : passer ma vie à donner une bonheur vrai à ceux que Dieu m’a confiés, et bâtir… alors que je partais comme un homme détruit.

Arrivé au terme de ma vie, je tiens à proclamer que s’il n’est pas envisageable d’atteindre la perfection dans sa globalité, il y a un pic que l’on peut atteindre : ce pic, c’est le pardon (pardonare : donner au-delà de tout don). Tel est le message spécifique de l’Evangile.

La force du pardon c’est que celui-ci permet de flirter avec la perfection et de jeter un regard de vérité sur le monde.

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