Témoins brûlants de la miséricorde divine

En toile de fond de cette messe chrismale qui nous rassemble, deux événements ont déchiré l’actualité. Le premier au cœur de l’Eglise il y a une semaine, la révélation d’affaires de pédophilie concernant des prêtres et des religieux de l’archidiocèse de Lyon. L’autre drame, au cœur de l’Europe, deux attentats terroristes à Bruxelles et plusieurs dizaines de victimes.


Comment croire en Dieu quand ceux qui le représente et qu’on appelle « pères » trahissent cette paternité ? Quand ce sont les mêmes mains qui donnent le Corps du Christ, et qui attouchent le corps d’un enfant ? Comment accueillir la tendresse de Dieu dont parle le pape François, lorsque les gestes qui l’expriment sont dévoyés, trahissant la confiance dans l’Église et dans ses ministres ?

Comment croire en Dieu lorsqu’on se sert de son nom pour tuer en Belgique des voyageurs ou des promeneurs ?

D’un côté, on profane le corps des tout-petits. D’un autre, on pervertit le visage de Dieu « Très Haut ». Deux déviances mortelles. L’une au cœur de l’Église qu’on cherche à décrédibiliser alors que tant et tant de prêtres donnent toute leur vie, leur corps, leur amour, leur temps pour le service de leurs frères. Et les voilà salis, insultés par l’irresponsabilité meurtrière de quelques-uns.

L’autre déviance qui dissout la foi, l’instrumentalise dans la violence aveugle au cœur de nos sociétés occidentales qui se sont peu à peu privées du Dieu de Jésus-Christ.

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En ce soir nous prions pour les victimes de ces atrocités, pour leurs familles, nous ne voulons pas seulement dénoncer les auteurs de gestes pervers et sanguinaires. Ne jouons pas au pharisien hypocrite prêt à lapider la femme adultère en se targuant lui-même de respectabilité morale et d’exemplarité. En cette année jubilaire, chacun de nous doit emprunter un chemin de conversion. Les fragilités de certains, les aveuglements mortifères des autres renvoient à nos propres fragilités en d’autres domaines. Comment pourrions-nous être des «experts en Miséricorde» et des «artisans de paix et de pardon» (je reprends là des expressions chères au pape François) si nous n’en faisons pas l’expérience personnelle chaque jour en la recevant du Christ, en acceptant de nous demander pardon les uns aux autres, et d’abord en nous pardonnant à nous-mêmes, en marchant derrière Jésus jusqu’au Golgotha.

Rassemblés autour de cet autel qui est celui du sacrifice et de la miséricorde, nous avons été choisis, malgré nos indignités et souvent à partir de nos propres faiblesses, pour donner notre vie au Christ afin de donner la sienne au monde. Rappelons-nous les fortes paroles de l’apôtre Paul dans la 2ème lettre aux Corinthiens : « c’est dans la faiblesse que ma puissance divine donne sa mesure. C’est dans la faiblesse que je suis fort » (1 Co 12-19-20)

« l’Immaculée a ramassé ce débris que j’étais devenu pour devenir son instrument » confessait Maximilien Kolbe. « Tu es la personne la plus pauvre, la plus incapable… et c’est pour cela que je t’ai choisie », confiait Mère Teresa dans un dialogue intérieur avec le Christ. « Nous sommes tous des pauvres types », s’écriait le Père Chevrier fondateur du Prado, en parlant au clergé…

Chers frères dans le sacerdoce, nous devons compter sur la grâce de Dieu, la mendier jour après jour à genoux et l’appeler sur le monde entier. Le chant du Magnificat entonné à chaque office de vêpres, nous ramène à notre situation de débiteur : « Il s’est penché sur son humble servante ». A oublier notre élection par pure miséricorde, nous risquons de sombrer, soit dans le cléricalisme (se considérer comme au-dessus des autres), soit dans l’individualisme (c’est-à-dire rouler à notre propre compte), soit enfin dans l’activisme (ne pas laisser le Seigneur passer devant nous), 3 maladies chroniques de notre ministère.

La miséricorde de Dieu nous rend humbles, car il faut un peu d‘amour pour aimer ce qui est parfait, mais il a fallu une miséricorde infinie pour aimer et choisir ce qui est imparfait ! Et pourtant c’est de cet amour-là que Dieu nous aime. A partir de nos limites et en direction d’un monde en souffrance, consentir à donner, à se donner, mais aussi à recevoir des autres. Évangéliser en se laissant évangéliser au passage.

En cette année jubilaire, notre mission comme prêtre, est d’introduire le peuple chrétien à une rencontre personnelle avec le visage miséricordieux du Seigneur. Nous le savons, la miséricorde est non seulement l’attribut de Dieu mais exprime l’essence de Dieu « Le nom de Dieu » (Saint Jean XXIII) son intériorité trinitaire. Dieu s’approche de tout ce qui est humain, et nous sauve de tout ce qui, en nous, est inhumain. Il faut se défaire, se départir des idées glamour ou moralisantes de Dieu qui conduisent, soit à la peur de Dieu (parce qu’il est trop loin), soit à la récupération émotionnelle de la miséricorde, dans le « bisounours » spirituel. La miséricorde n’est pas un apitoiement, c’est un brasier ardent, un feu dévorant qui part de la Croix et vient purifier et guérir le cœur endolori de l’homme à la seule condition qu’il s’ouvre à son éclat. Oui, notre péché a contraint Dieu à révéler son vrai visage : celui de la Miséricorde. La miséricorde est une corde qui nous relie au cœur de Dieu. Chaque fois que je pèche le fil est rompu. Mais à chaque pardon, le Seigneur fait un nœud et ainsi me rapproche de Lui.

La miséricorde donne accès à l’intériorité et à la proximité de Dieu, mais aussi à sa prévenance. Je pense à cette confidence de Mère Teresa : «Jésus a plus souffert pour m’empêcher de pécher qu’il n’a souffert pour me relever». La miséricorde souligne encore la surabondance de la bonté de Dieu. Face au péché la loi ne suffit pas, nous rappelle la lettre aux Hébreux. La loi le révèle, le débusque mais seul le pardon nous en libère. La miséricorde surenchérit toujours face au malheur. Marie-Madeleine fut d’autant plus aimée qu’ayant beaucoup péché, elle se confia totalement à Jésus. Oui, le cœur de Dieu bat toujours à partir de notre misère.

Cette miséricorde divine doit se répandre non seulement dans notre vie mais aussi dans notre ministère, à la fois pour le recentrer et le déployer. Le pape Jean XXIII à l’ouverture du concile Vatican II dont nous fêtons le cinquantenaire, replaçait celui-ci sous l’angle de la miséricorde : « aujourd’hui l’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde plutôt que de brandir les armes de la sévérité » disait-il. Le thème de la miséricorde est devenu fondamental à partir du concile dans la manière de situer l’Église par rapport au monde, et de faire accéder l’humanité à la vérité du salut.

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Dans son sillage, nous avons à vivre une véritable conversion pastorale, que le pape nous rappelle souvent, à partir du primat de la miséricorde.

Il s’agit d’abord de déployer un zèle nouveau pour l’annonce de l’Évangile. La plus grande souffrance de notre monde désaxé et donc déshumanisé est de ne plus connaître l’amour de Dieu. Annoncer la miséricorde, c’est attester qu’il y a une limite au mal. Comme le disait l’abbé Huvelin, confesseur de Charles de Foucauld, « personne ne peut tomber plus bas que Jésus, et s’il tombe il ne peut tomber qu’en Lui »

La miséricorde repositionne notre pastorale sur les fractures de notre temps. Lorsque l’Église s’occupe d’elle-même, elle va mal. C’est parce que la miséricorde est au cœur de l’Église que celle-ci doit se situer sur les failles du monde, là où jaillit le cri des attentes des hommes : leur besoin de sens, de reconnaissance, de vraie relation, de rédemption.

Notre pastorale doit être celle de l’espérance. Sans sous-estimer la gravité du péché et les faillites du monde, il s’agit de porter un regard d’espérance sur notre humanité, en discernant ce que le Christ a déjà commencé à accomplir à l’intérieur de ses méandres, là où la grâce commence à germer. Le salut de Dieu ne nous a pas attendus. Le Seigneur a commencé avant nous.

La pastorale axée sur la miséricorde « raccourcit les distances et engage des processus » (Pape François). Il convient de s’inscrire dans des temporalités et des patiences, refuser les diktats de l’immédiateté et des urgences médiatiques.<img21834|right> La miséricorde appelle la bienveillance, une pédagogie de l’accueil, de l’oreille (c’est-à-dire de l’écoute) des petits pas, du cheminement, de la gradualité, de la présence, du soin. Étymologiquement le « curé » désigne celui qui soigne. L’Église n’est-elle pas, comme le rappelle le pape François, un « hôpital de campagne » ? Et le St Père d’ajouter : « La nouvelle évangélisation ne peut qu’utiliser le langage de la miséricorde, fait de gestes et d’attitudes avant même que de paroles. »

Dernier trait de cette pastorale de miséricorde : la charité fraternelle ; l’estime réciproque et le pardon mutuel en sont les clés de voûte. Nous sommes souvent durs entre nous, notre tentation commune est de juger et de nous auto-justifier, de nous isoler. St Augustin soulignait aux chrétiens d’Hippone : «En raison de la plénitude d’amour qui nous a été communiquée, nous devons nous chérir mutuellement, c’est-à-dire partager avec nos frères ce que nous recevons à la table du Seigneur.» A un titre particulier, au cours de cette année, le pape François insiste sur la nécessité de «remettre au centre de la pastorale le sacrement de la confession, qui nous donne de toucher le mystère de la miséricorde» et de faire de nos communautés des « oasis de miséricorde. »

Chers frères dans le sacerdoce, merci à tous et à chacun pour cet engagement que vous allez renouveler dans quelques instants, à devenir des témoins brûlants de la miséricorde divine en offrant votre vie, l’appel du Christ, pour le salut de tous.

+ Dominique Rey

23 mars 2016

Cathédrale Notre Dame de la Seds


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