La mort, cette énigme
Entretien avec Gérard Terrier, chef du service d’accompagnement et des soins palliatifs de Limoges
-Comment est perçue la mort dans nos sociétés ?
Si j’en juge par ce qui se passe en France, les discussions autour de la mort sont rares, c’est un sujet encore tabou. De plus, il y a peu de réflexion dans notre société de consommation sur la fin de vie, et ils y a quelques anachronismes : 70% de la population souhaite mourir à domicile et 80% de nos concitoyens meurent…en institution ! 20% de la population déclare avoir une pratique religieuse régulière et 70% ont des obsèques religieuses…Si la Loi relative aux droits des malades et à la fin de vie (dite Loi Léonetti) était mieux diffusée et donc mieux connue, elle aurait au moins comme conséquence d’inciter les français à, d’une part désigner une personne de confiance (interrogée sur ce qu’aurait pu souhaiter ou décider celle ou celui qui n’est plus en capacité de le faire), et d‘autre part à rédiger des directives anticipées pour connaître leurs volontés concernant l’attitude souhaitée par eux en cas de situation de grand handicap ou de fin de vie.
-Comment sont accompagnés les mourants aujourd’hui ?
La réponse n’est pas univoque. Tout dépend de l’entourage et de l’anticipation de la fin de vie. Si le mourant bénéficie d’un environnement, familial ou institutionnel, à même de prendre en charge son confort physique, psychique et spirituel, alors les choses se passent bien. Sinon…
Je ne suis pas en train d’écrire que tous les mourants doivent bénéficier de soins palliatifs (au sens hospitalier du terme), mais beaucoup trop de gens meurent isolés, avec des douleurs physiques non calmées et des souffrances psychiques ou spirituelles non prises en compte, et ce par ignorance ou, au pire, par indifférence.
Pour ce qui est de l’accompagnement en soins palliatifs (ce que je connais le mieux !), la dignité du mourant est respectée, voire restituée, et assurée jusqu’au bout. Son entourage est accueilli et entouré.
-Entre l’antique « bonne mort » et « l’euthanasie » qui revient sur le tapis, quelles dérives possibles ?
Je suis un adversaire farouche de l’obstination déraisonnable (dite acharnement thérapeutique) comme de l’euthanasie et du suicide assisté, respectant en cela les principes de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) et…les miens ! Ce refus de l’euthanasie n’est pas religieux, philosophique…il est avant tout sociétal : comment vivre dans une société démocratique dans laquelle quelqu’un, fut-il médecin, aurait le droit de tuer ?
Cette autorisation de tuer, même à titre « compassionnel », aurait des conséquences insoupçonnées. C’est la porte ouverte à toutes les dérives : qui n’a pas, un jour, eu envie d’en finir (adolescents en crise, malade, traumatisés de la vie…) et a (heureusement !) changé d’avis ? Méfions-nous de ces positions « définitives » qui ne le sont pas ! Nos voisin Belges ont un contrôle de l’euthanasie…a posteriori. Si l’on s’est trompé, c’est un peu tard pour celui qui est mort ! La « libéralisation » de l’euthanasie aux Pays bas n’a rien changé. Pire : il y a 50% de plus d’euthanasies…clandestines !
Qui est indigne de vivre ? Personne, quel que soit son handicap, sa déchéance, ses découragements, son état mental ou physique. Je rappelle la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui, dans son préambule, affirme : « Tous les êtres humains naissent égaux en dignité et en droits ».
Attention aux dérives eugénistes. L’histoire du siècle dernier est là pour nous le rappeler.
Propos recueillis pas Falk van Gaver
Gérard Terrier, La mort, cette énigme, L’œuvre, 2012
Publié le 09.04.2013.
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