« Sainte Jeanne Jugan, de la pauvreté à la foi » par Monseigneur Rey

En 1839, alors qu’elle a 47 ans, sainte Jeanne Jugan accueille chez elle une première vieille dame, malade et miséreuse. Peu de temps après, elle en héberge une autre, puis encore une autre… C’est ainsi, en raison de sa foi et de sa charité, que son œuvre Les Petites Sœurs des Pauvres commence. Jeanne Jugan meurt 40 ans plus tard,  laissant une congrégation de 2400 religieuses réparties dans plus de 10 pays.

De la foi à la charité

Tout ce chemin s’éclaire en reprenant la formule de l’apôtre Paul « aller de la foi à la foi » (Rm 1, 17). Pour Jeanne Jugan, ce sera aller de la foi à la pauvreté, ou encore de la pauvreté à la foi, et plus sûrement, de la pauvreté subie à la pauvreté choisie.

La pauvreté, elle la côtoie très jeune. Enfant, elle connaît le manque et l’insécurité, et doit gagner sa vie très tôt. La pauvreté l’amène, à l’appel du Christ, à quitter les siens, ses sécurités, à renoncer au mariage et à s’engager totalement au service des déshérités.

« Pressée par la charité du Christ » (2 Cor 5, 14), Jeanne Jugan, de son nom de religion sœur Marie de la Croix, va plus loin encore. Non seulement, elle a été conduite à se mettre au service des vieillards démunis, mendiant en leur nom, les accompagnant maternellement jusqu’au dernier souffle, mais elle veut être pauvre parmi les pauvres. Et cette solidarité extrême avec les malheureux était en elle la vie de Dieu, miséricordieux et compatissant. Dieu aimait, en elle, les pauvres.

Le dépouillement a été jusqu’à devoir accepter qu’on lui vole son œuvre, qu’on la dépouille de sa fondation, et de la vérité de son rôle au point de départ.

Dans les ultimes étapes de sa vie, ignorée, tenue à l’écart, elle conserve un regard de bonté, une paix profonde, et souvent un sourire sur elle-même et sur ses consoeurs. Elle a accédé à une liberté qui est le fruit de ce détachement. Elle a tellement contemplé le Christ pauvre, « qu’il s’est formé en elle » (Gal 4, 19). L’amour du pauvre l’a conduit à rejoindre le « Pauvre », notre Seigneur, lui qui s’est dépouillé de tout jusqu’à mourir sur une croix (Phil 2)

Au terme de sa vie, quasi aveugle, elle dira aux jeunes religieuses qui l’entourent : « Je ne vois plus rien. Si, je ne vois que le Bon Dieu, et le Bon Dieu me voit, et cela suffit ». Le Christ la préparait alors à l’éternelle vision du face à face.

Spiritualité de la dernière corde

Jeanne Jugan a beaucoup à nous apprendre sur la grâce de la vieillesse. Elle l’a fréquentée, soutenue, aimée au cours de toute sa vie.

Un soir de grand concert, le célèbre violoniste Paganini jouait avec tant de fougue qu’une corde se rompit, la plus fine, la chanterelle. Imperturbable, il continue de jouer. Une deuxième corde saute, puis une troisième… C’est presque la fin du morceau. Frénétiquement applaudi, Paganini termine la fin en beauté avec l’unique corde restante, la grosse corde Sol.

Au bout de la vie, une à une, les cordes sautent : jambes faibles, lever difficile, mémoire capricieuse, fatigue du soir. Combien de temps pourrons-nous encore jouer le concert de notre vie ? Sans être un Paganini, étincelant jusqu’au bout, on peut faire entendre des choses belles avec des cordes qui restent. Il faut les fréquenter en grande amitié, plutôt que de trop penser aux cordes disparues.

Chère vieille corde de Sol, la dernière, la plus grave… Corde de la patience courageuse, de la bonté, de la sagesse, des appels de Dieu. Que de notes peuvent jaillir de la dernière corde !

C’est ce que nous apprend Jeanne Jugan, au contact de toutes ces personnes âgées. Lorsque la corde de notre vie est usée, que l’on porte le sentiment de l’inutilité, de l’extrême dépendance, de la démaîtrise de soi, de la vulnérabilité affective et psychologique, et que l’on se trouve isolé ou abandonné, ne sommes-nous pas tentés par le désespoir et l’angoisse de continuer à vivre pour rien ?

Quand les personnes âges ne sont plus respectées, traitées avec dignité et respect pour tout ce qu’elles ont été et tout ce qu’elles ont fait, il manque alors à notre monde le son de la dernière corde : une petite musique d’espérance.

A notre société, tentée par l’utilitarisme et le mythe de l’éternelle jeunesse, Jeanne Jugan rappelle que les anciens sont indispensables pour la survie de notre humanité. Ils en sont la mémoire. Ils en portent l’espérance aux nouvelles générations. Ils leur signifient que l’épanouissement de soi et l’accomplissement de toute vie n’est pas dans l’ordre du faire, mais de l’être purifié par l’action.

« L’enfant nait avec le poing serré. Le vieillard meurt avec la main ouverte », chante un proverbe africain. Jeanne Jugan avait bien compris qu’à l’automne de la vie, la déprise de soi prépare un abandon entre les mains d’un Autre, et qu’il faut préparer avec une infinie confiance cette heure décisive. « En tes mains, je remets mon esprit. »

+ Dominique Rey

Publié le 27.10.2009.

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