Le « péril médiatique » ?
La médiacratie, de média et kratos « souveraineté », semble connaître ses heures de gloire en notre pays, comme ailleurs dans le monde. Sortant à peine d’une campagne électorale et nous apprêtant à entrer dans une autre, nous avons vu et voyons avec effroi se profiler une couverture médiatique omnipotente.
Tribune libre
Par Grégory Soodts
La médiacratie, de média et kratos « souveraineté », semble connaître ses heures de gloire en notre pays, comme ailleurs dans le monde. Sortant à peine d’une campagne électorale et nous apprêtant à entrer dans une autre, nous avons vu et voyons avec effroi se profiler une couverture médiatique omnipotente. Les faiseurs de roi seraient-ils toujours les rédacteurs en chefs ou directeurs de journaux, qui peuvent dire à la suite de Maurice Bunau-Varilla, directeur du journal « le Matin » : « Mon fauteuil vaut trois trônes » ? La démocratie qui conduit le peuple à choisir ses responsables est-elle une médiacratie ?
Les médias et le relativisme
Le mot média signifiant en latin « milieu », « intermédiaire », les médias doivent être des intermédiaires entre leur public et la vérité. Or là se trouve le vrai problème, ou plutôt la fausse question, celle que Ponce Pilate pose sans se soucier de la réponse : « Qu’est-ce que la vérité ?[1] ». Dans un monde marqué par le relativisme, on part du principe que la vérité est inaccessible, donc qu’elle ne doit être recherchée. Et à partir de cela commence la « dictature du relativisme » : surtout ne cherchez pas la vérité. Comment alors les médias peuvent-ils devenir des intermédiaires d’une vérité non seulement inaccessible, mais surtout que l’on ne doit vouloir atteindre ?
C’est alors qu’une morale se crée, basée sur la vérité du moment, celle qui profite aux puissants, aux lobbies, à l’économie… Les médias ne sont alors plus de courageux explorateurs de la vérité, mais des porte-paroles des faiseurs de vérité. Dans ce trou noir de non-réflexion où le relativisme plonge notre intelligence, des dogmes apparaissent (c’est bien plus reposant !) : l’avortement a libéré la femme, le mariage homosexuel c’est le progrès, aimer son pays c’est mal, … et surtout : la vérité n’existe pas. Paradoxe de ce relativisme qui conduit à affirmer des vérités, dont la première est que la vérité n’existe pas !
Le « fidéisme médiatique »
Robert Ménard, journaliste à Sud Radio, ancien président de Reporters Sans Frontière, affirmait que la grande majorité des journalistes sont convaincus d’être dans le camp du Bien. Ainsi lorsque quelqu’opportun veut réfuter les « nouveaux dogmes », ils ne les abordent pas de manière rationnelle, mais invoquent la morale[2]. Ainsi, nous sommes conduits à ne plus réfléchir à partir du réel, mais à passer nos idées au tamis d’une pseudo morale moderne, à laquelle on adhère ou on se tait. C’est ainsi que la médiacratie peut s’installer : faisant et défaisant les dogmes au gré des intérêts des “amis”, s’éloignant de plus en plus du réel, donc, au final, pensant pour les personnes
Ces dogmes sont entretenus par la “prière du matin” de l’homme moderne, comme le disait Hegel : la lecture de journaux. Il aurait peut-être assimilé la vie de l’homme du XXIème siècle, connecté toute la journée, à une vie monastique, une vie offerte à la récolte d’information. Ce lavage de cerveaux continu ne nourrissant pas la réflexion était déjà pointé du doigt par Nietzsche lorsqu’il affirmait que “l’introduction de l’imbécillité parlementaire (était) jointe à l’obligation pour chacun de lire son journal au petit déjeuner.”[3]
Avec un tel vocabulaire, nous pourrions donc croire que le monde médiatique soit devenu une religion comme une autre, mais son éloignement fréquent de la raison l’entraîne dans un fidéisme qui conduit au fondamentalisme, faisant des acteurs principaux du monde médiatiques des ayatollahs des temps modernes, s’arrogeant le titre de guides spirituels de la révolution médiatique….
Un complot médiatique ?
Doit-on donc attribuer la plupart des maux de notre société aux médias ? Ils font en effet de bons boucs émissaires, puisque n’étant pas de nos proches et ne pouvant se défendre individuellement, notre imagination peut s’emballer sans limite. Il est toutefois bien plus réaliste de voir dans les personnes constituant le monde médiatique nos proches, baignés comme nous le sommes de philosophie relativiste, qu’ils répercutent, souvent avec « bonne foi » et dont ils amplifient le contenu, en bons mégaphones de notre société.
Les médias et le silence
Pouvons-nous lutter contre ce mécanisme de masse ? A ce flux et reflux de communications utilisées à des fins idéologiques ?
Le silence est une clef qui permet la victoire. Dans le silence, la pensée naît et s’approfondit, nous rappelle Benoit XVI. Il précise que lorsque Parole et silence ne s’excluent pas, ils se complètent harmonieusement, la communication acquiert valeur et cohérence.[4] Il fait même du Silence la condition sine qua non de la communication : « Le silence fait partie intégrante de la communication et sans lui aucune parole riche de sens ne peut exister »[5].
Nous devons donc ne pas nous laisser abasourdir par les médias, rester libre de laisser les informations être « mastiquées », « digérées »… pouvant ainsi nous extirper du climat passionnel du simultané, commenter et agir de manière raisonnée.
Marie, mère de Dieu, est l’exemple parfait de l’écoute, de la docilité à la Parole de Dieu qui la façonne dans le Silence. Tenant bon lors des tempêtes médiatiques de notre époque, que, comme elle et avec elle, nous sachions cultiver le silence propice à l’utilisation de notre intelligence, propice à la Rencontre avec Dieu, propice à Lui permettre d’agir dans la cité à travers nous…
[1] Jean 8,37
[2] Lors de la 4ème journée de réinformation de la Fondation Polemia, le 15 octobre 2011.
[3] Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 208
[4] Benoît XVI, message pour la 46ème journée de la communication, le 24 janvier 2012
[5] Ibid.
Publié le 07.06.2012.
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