Qui est le curé de Saint-Tropez ?

Entreprendre
Il y a 60 ans, à Saint-Tropez, Richard Balducci écrivait le futur succès du film Le Gendarme de Saint-Tropez. Certes, Jean-Paul Gouarin n’est ni gendarme, ni Louis de Funès. Il est, tout simplement, le Curé de Saint-Tropez. Eclairage sur un homme en noir et blanc, qui est devenu une figure discrète et incontournable d’un milieu où yachts et bouillabaisse se côtoient.

Depuis qu’il est arrivé à Saint-Tropez, en septembre 2015, ce Marseillais d’origine, a eu le temps de faire le tour du village. Il connaît tout par cœur. Bien entendu, il connaît sa gendarmerie, son port, ses plages, ses habitants, et, ses églises ! Venir à Saint-Tropez au moins de juillet et d’août est soit un plaisir, soit un sacrifice. En ce moment, le business y tourne à plein régime. « Saint-Tropez est d’abord un village. En été, sa population est multipliée par dix. Les Tropéziens sont des gens merveilleux. Ils ont beaucoup d’humour, aiment les traditions, et, vivent dans l’arrière-pays, quand les touristes arrivent en force », explique-t-il. Né le 10 décembre 1956 à Marseille, il a passé son enfance à Bagnols-en-Forêt, « un petit village varois entre Saint-Raphaël et Fayence ».

Il a grandi, avec son jeune frère, Christophe, au sein d’une famille de militaire. Son père, Jean, 93 ans, est toujours de ce monde. Alors que sa maman, Eliane, est « partie vers le Ciel », il y a 5 ans. Au début, sa famille n’était pas catholique. Ce qui n’a pas empêché la vocation de lui tomber, littéralement, dessus quand il était petit. « J’étais en CM2, et, j’avais 9 ans. J’avais beaucoup d’admiration pour mon curé, l’abbé Etienne. » Alors qu’aujourd’hui, les évêques missionnent leurs prêtres pour rester dans les paroisses pendant 5 ou 6 ans, Etienne Bruno a été curé de Bagnols-en-Forêt pendant 55 ans. « Sa vie m’a fortement marqué. C’était un saint. Il vivait dans une pauvreté absolue. Dans son petit presbytère, il n’avait pas de vitres aux carreaux de ses fenêtres. Si on lui apportait un repas, il le donnait systématiquement à un pauvre. »

Un an après, le petit Jean-Paul demande à ses parents d’entrer au petit-séminaire de Hyères. Il se souvient encore de leur réponse. « Mon père m’a dit : ‶Un fils prêtre, tout sauf ça″. » Au lycée Saint-Exupéry de Saint- Raphaël, il oublie son envie d’entrer au séminaire. En 1973, il rencontre un autre prêtre, le père Christian Charlot, de la Fraternité de la Très Sainte Vierge Marie. « Il m’a invité à Rome. Et, mes parents ont bien voulu que j’y aille. Pendant la Messe du Jeudi Saint (NDLR : le 19 avril 73), j’ai entendu intérieurement une voix qui me disait : ‶Il faut que tu sois prêtre″. »

Itinéraire d’un enfant donné

De retour, à l’aéroport de Nice, Jean-Paul descend calmement l’escalier de la passerelle. Il marche sur le tarmac. Il a une idée en tête. Il passe les contrôles, et, aperçoit ses parents venus le chercher. « Ils m’embrassent et me demandent comment je vais, et, comment s’est passé mon séjour ? Je leur réponds : ‶Ça s’est bien passé. Très bien même. Et, je veux y retourner pour toujours″. »

Les parents cèdent. Le 3 juillet 1973, l’avion de Jean-Paul atterrit de nouveau sur la piste de l’aéroport de Rome, à Fiumicino. Il a 16 ans et demi. Dans la capitale de la chrétienté, il y fait toutes ses études. Il est, d’abord, novice, puis, frère, puis, il est ordonné prêtre le 7 octobre 1980, à Gênes, par le cardinal Siri. Pendant toutes ces années, il a appris les valeurs de la communauté, qui, comme son nom l’indique, « est très dévouée à la Vierge Marie ». Il prie quotidiennement le chapelet, et, apprend à vivre la charité fraternelle, si chère au fondateur, un orthodoxe converti.

La Fraternité de la Très Sainte Vierge Marie a été fondée par le Père Theodossios Sgourdelis, qui a vécu entre 1909 et 1989. Né en Grèce dans une famille de religion orthodoxe, après un passage à Paris, nous sommes dans les années 45, il entre dans l’Eglise Catholique ? Dans la foulée, il fonde la Fraternité de la Très Sainte Vierge Marie à Athènes, puis à Rome. Son but est de restaurer la vie de l’Eglise primitive : la vie en commun doit être basée sur l’amour de la vérité et la charité fraternelle. Jean-Paul poursuit, aussi, ce but. Il en vit. Il vivra en Italie pendant 35 ans. J’interromps la conversation et prends quelques clichés, dans son bureau.

Puis, direction le port de Saint-Tropez où nous allons déjeuner. « Prenons ma petite voiture, ce sont les paroissiens qui me l’ont offerte l’année dernière pour mes 40 ans de sacerdoce. » Nous quittons le presbytère situé sur les hauteurs du village. Dans sa petite voiture blanche, une Fiat 500, il écoute de la musique classique. 10 mn plus tard, il se gare près de l’hôtel-de-ville à un emplacement que lui réserve le maire. « C’est pratique surtout en été. Vous voyez la République et la laïcité n’empêchent pas d’aimer son curé », ajoute-t-il en blaguant. Au port, les restaurants ont un bel emplacement sur les quais. Après avoir salué quelques locaux, le curé de Saint-Tropez s’assoit à l’intérieur d’un restaurant. Notre conversation peut continuer.

Bienvenue à Saint-Tropez

Après avoir été nommé supérieur du séminaire, le père Gouarin continue ses études supérieures à Sienne. Ce qu’il retient de l’Italie ? « La vie était plus religieuse. » Après l’arrivée d’un nouvel évêque, qui décide de fermer le petit-séminaire, il quitte la Fraternité et devient prêtre diocésain, toujours à Montefiascone. « Je me souviens avoir dit, à ce moment-là : ‶Puisque c’est comme ça, je pars, et, je retourne vivre chez ma mère″. C’est ce que l’on dit, non ? », demande-t-il en rigolant. Après avoir vécu 10 ans à Rome et 25 ans à Montefiascone, il retourne en France. En 2008, il arrive à Toulon et revoit ses parents. Sa troisième vie ne fait que commencer. Mgr Dominique Rey, l’évêque du diocèse, le nomme, ensuite, à Aups. « J’avais en tout 6 paroisses. »

En 2015, Mgr Rey l’envoie à Saint-Tropez. Au restaurant, où nous déjeunons, le garçon masqué vient de nous servir deux bières pression. Le curé se détend et s’épanche un peu plus. Il parle de son pays et de la mentalité provençale. « Vous savez, elle est très proche de la mentalité italienne. On s’arrange toujours. Et, il ne faut jamais arriver en Provence en conquérant. Il faut savoir écouter et faire des choix. Ici, vous avez deux Saint-Tropez : celui de l’hiver, des Tropéziens, de leurs cultures, de leurs superstitions, de leurs traditions… et celui de l’été où le village est envahi par les touristes. Les Tropéziens se réfugient dans l’arrière-pays à ce moment-là. »

Superstitions ? Le mot est, peut-être, un peu fort. Même s’il est vrai qu’avoir le buste de saint Tropez dans son salon ne suffit pas pour faire de vous un dévot régulier. Saint Tropez, avant Brigitte, c’est quand même la star locale. Chaque mois, le 17, il est fêté. Une Messe est célébrée en son honneur. Qui est-il ce saint à l’allure mystérieuse, un mélange de genre, entre le soldat romain, et, le comédien antique de théâtre ?

Converti par saint Paul

La vie du soldat Torpès, officier de l’empereur Néron, pourrait ressembler à celle de saint Martin de Tours, l’apôtre des Gaules. Celle de Torpès est plus ancienne et date du 1er siècle. Intendant du palais de Néron, à Pise, il est converti par l’apôtre saint Paul. Lors d’une fête païenne, il professe sa foi devant Néron, estomaqué par une telle audace. A plusieurs reprises, Néron lui demande d’abjurer sa foi.

Le saint refuse. Néron le condamne, alors, à mort. Les scènes de sa mort sont dignes du cinéma : livré aux lions et aux panthères, il en sort indemne. Flagellé à une colonne, cette-dernière se brise et écrase son bourreau. Le 29 avril 68 (pas 1968, 68), l’intendant est, finalement, décapité par le fils du bourreau, devenu orphelin. « Sa tête est toujours conservée à Pise », ajoute le curé.

Selon la tradition, le corps du martyr aurait été déposé dans une barque, qui au gré des courants marins et du vent aurait accosté à côté du village de l’actuel Saint-Tropez. Célerine, une romaine convertie aurait découvert son corps sur la plage après un songe, et, l’aurait enseveli à l’endroit même où se trouve, toujours, la Chapelle de Saint-Tropez hors-les-murs. Cette histoire pourrait servir de scénario à un bon metteur en scène.

« Au fond, à Saint-Tropez, il y a une vraie histoire, très riche. Les bravadeurs, ceux qui font la bravade, sont très soucieux de sauvegarder cette mémoire. Ils font revivre chaque année l’histoire du saint, devenu celle du village. Les bravadeurs sont de trois corps différents : il y a les marins, les mousquetaires, et, les gardes saints. » Visiblement, le curé de Saint-Tropez est passionné par l’histoire du village. Il parle, aussi, des corsaires, qui venaient se réfugier dans l’une des criques secrètes, aux alentours.

Anecdotes et bling-bling au menu

Des pirates qui viennent sur Saint-Tropez, il y en a toujours. Chaque année, la gendarmerie du village est aux abois pendant quatre mois, de juin à septembre. Elle double ses effectifs pendant cette saison, car avec l’arrivée des touristes, dans leur sillon la petite délinquance prend ses quartiers. Côté bling-bling, le sujet n’intéresse pas le curé.

« Oui, je connais des personnalités, comme Brigitte Bardot. Mais, je ne l’ai jamais confessée. Louis de Funès, je ne l’ai pas connu. Quant à Sarkozy et Chirac, ils sont venus à la Messe, mais, je n’étais pas encore nommé. Le seul politique que je vois, c’est Gérard Longuet (NDLR : sénateur de la Meuse, et, ancien ministre de la Défense). Je vois, aussi, Vincent Bolloré. »

Notre déjeuner se termine. Le curé de Saint-Tropez salue un gendarme sur le chemin du retour. Il parle des glaces et des sandales tropéziennes, les Barbarac, et, les K.Jacques, tenus par des Arméniens de la diaspora. Il parle, aussi, de cette croix arménienne, un khatchkar, qui a été inaugurée par la maire du village, Sylvie Siri (rien à voir avec le cardinal), et qu’il a béni, au début du mois de juillet. Tout Saint-Tropez (ou presque), c’était alors retrouvé pour honorer ce nouveau mémorial aux victimes du génocide de 1915.

Dans la rue principale, le curé me montre son ancien presbytère qu’il semble regretter. Il s’installe à bord de sa petite Fiat. La route est plus fluide. Il retrouve son bureau. Son agenda est chargé, il doit préparer la fête du 26 juillet. De nouveau, tout Saint-Tropez fêtera alors sainte Anne, la patronne des marins. Et, Jean-Paul Gouarin y tiendra le rôle principal, de Curé de Saint-Tropez. Clap de fin !

 

Reportage réalisé par Antoine BORDIER, Consultant et Journaliste Indépendant


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Publié le 02.08.2021.

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