Paroles d’évêques à propos du Téléthon

Le Téléthon a fait l’objet ces dernières semaines de questions sur l’utilisation des fonds collectés pour la recherche. Plusieurs évêques se sont exprimés sur ce sujet, notamment Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, Mgr André Vingt Trois, archevêque de Paris, Mgr Jean-Charles Descubes, archevêque de Rouen, président du Conseil pour les questions familiales et sociales et Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry, membre de cette même Commission.

La question posée

Tous reconnaissent cette entreprise généreuse , la mobilisation sans précédent et les initiatives multiples nées autour du Téléthon et de la lutte contre la myopathie.
Mgr Dubost évoque à cet égard l’espoir né du Téléthon pour ces maladies, dites orphelines, alors que ce sujet le touche personnellement et profondément : « Mon frère est mort à 15 ans ; aujourd’hui l’espérance de vie pour ces malades est trois fois supérieure… Ces progrès sont très largement le fait de l’AFM ».

Nombreux sont les catholiques investis, depuis 20 ans, dans l’animation du Téléthon, notamment à travers des initiatives relayées dans les écoles ou les paroisses.
La question posée porte sur l’utilisation des fonds affectés à la recherche, comme le souligne Mgr Vingt-Trois : « Le Téléthon a permis de grands progrès, d’abord dans la prise de conscience de l’existence des enfants myopathes et dans leur prise en charge, et ensuite dans la recherche contre la myopathie. Mais cela ne lui donne pour autant pas un chèque en blanc, en particulier quand sont privilégiées des pistes de recherche passant par la destruction d’embryons humains ».

« Pour les catholiques, l’homme ne doit pas être l’objet de manipulation. Les catholiques sont opposés à tout ce qui pourrait faire de l’homme une réalisation technique plutôt qu’un don d’Amour. De cette conviction naît la question de ceux qui sont opposés au Téléthon. Et même si les fonds sont répartis sur tous les sujets de recherche possibles, il est vrai que 2 % de l’argent collecté va à la recherche sur l’embryon. », précise Mgr Dubost.

Entrer en discussion

Est-ce à dire qu’il faut boycotter le Téléthon ? « Pour moi, je ne boycotterai pas le Téléthon, mais j’appelle les uns et les autres à entrer en discussion pour que ce qui convient ne soit pas abandonné », a répondu Mgr Dubost qui invite au dialogue et préconise « une rencontre entre les gens qui s’opposent au Téléthon et les responsables de l’AFM.

Pour Mgr Rey, « L’Eglise invite les chrétiens à se mobiliser avec générosité pour favoriser le progrès de la science mais également, avant d’effectuer leur choix et soutenir tel ou tel organisme, à s’informer sur les recherches et les traitements qui prennent en compte ces repères éthiques ».

Une réflexion appelée aussi de ses vœux par l’évêque du Havre, Mgr Guyard : « Ce que je souhaite, c’est que les gens puissent réfléchir : qu’est ce que nous cherchons en définitive ? On cherche à soigner des maladies, on a raison, mais pas contre l’homme parce que finalement travailler sur l’embryon humain, c’est travailler contre l’homme de demain »

Mgr Descubes suggère que, « dans les futures éditions du Téléthon, soit étudiée la possibilité d’affecter les dons ». « Les banques ont su le faire avec les placements éthiques. Pourquoi la recherche scientifique ne pourrait-elle pas le faire ? », ajoute-t-il.
Dialoguer, s’informer, engager le débat… les différentes interventions des évêques invitent à cette démarche, sans pour autant apporter une réponse unique. « Que des évêques parlent dans un sens, que d’autres parlent autrement, avec des nuances, c’est bon pour le débat, mais je souhaite surtout qu’on laisse ouvertes à la discussion un certain nombre de portes », a expliqué Mgr Dubost.


Prises de paroles d’évêques

Mgr Michel Dubost

évêque d’Evry, membre de la commission familiale et sociale
(Interview parue dans La Croix, le 29 novembre 2006)

« Je ne boycotterai pas le Téléthon mais il faut discuter de la recherche »

La commission « bioéthique et vie humaine » de l’évêché du Var a dénoncé la « stratégie eugéniste mise en scène » par les organisateurs du Téléthon affirmant qu’il « ne semble plus possible aujourd’hui de participer » à cause « des expérimentations sur les embryons humains ». Qu’en pensez- vous ?

Mon frère était myopathe… J’ai donc beaucoup d’estime pour l’Association française contre les myopathies, l’AFM, qui est à l’origine du Téléthon. Je n’en fais pas partie mais mes parents y ont adhéré et j’ai personnellement toujours été très attentif à ces questions que je connais bien. Jeune, j’avais repéré que Jerry Lewis avait lancé aux États- Unis une émission « Coast to coast », ancêtre du Téléthon, et qui parlait de la myopathie. J’étais même allé voir Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet, qui étaient à l’époque chargés d’émissions médicales, pour lancer, en France, un projet similaire. Ils m’avaient répondu qu’ils ne produiraient pas une telle émission tant qu’il n’y aurait pas d’espoir. Dix ans plus tard, grâce à l’AFM et sans l’aide de l’État, l’espoir est né pour ces maladies, dites orphelines. L’AFM est pour moi le symbole de cet espoir.
Comment le mesurez- vous concrètement ?

Il se mesure de manière très simple : mon frère est mort à 15 ans ; aujourd’hui, l’espérance de vie pour ces malades est trois fois supérieure… Ces progrès sont très largement le fait de cette association.

On lui reproche toutefois « certains choix éthiques », comme s’en sont inquiétées tout récemment les associations familiales catholiques ( AFC), qu’en pensez- vous ?

Avec le temps cette machine est devenue énorme et il est normal que les catholiques lui demandent de voir si tout est clair. Sur le plan financier, autant que je puisse le savoir, rien n’a jamais été caché. La manière dont est utilisé l’argent est publique. Il est normal de se demander si c’est à une association privée de conduire de telles recherches ou à l’État. Mais peut- on empêcher d’agir des parents et des personnes malades, dont le but est la vie : ce sont eux qui dirigent cette association et qui font tout ce qui leur est possible pour que le malheur qui les a frappés ne touche pas d’autres. Cela étant, une fin aussi bonne et utile soit- elle ne justifie pas tous les moyens, et on a raison de vouloir poser des questions sur les moyens employés.

Sur quoi précisément ?

Sur la recherche sur les embryons, évidemment ! Pour les catholiques, l’homme ne doit pas être l’objet de manipulation. Les catholiques sont opposés à tout ce qui pourrait faire de l’homme une réalisation technique plutôt qu’un don d’Amour. De cette conviction naît la question de ceux qui sont opposés au Téléthon. Et même si les fonds sont répartis sur tous les sujets de recherche possibles, il est vrai que 2 % de l’argent collecté va à la recherche sur l’embryon.

Faut-il, pour cette raison, boycotter le Téléthon, comme le propose la « commission bioéthique et vie humaine » de l’évêché du Var ?

Beaucoup de catholiques sont engagés dans l’animation du Téléthon avec une grande générosité et ils ont raison de le faire. Je trouve très insupportable que l’on commence une guerre avant d’avoir épuisé les solutions qui sont nécessaires pour résoudre un vrai problème. Quand un problème se pose – et un problème se pose effectivement –, il peut être résolu non par la polémique mais par le dialogue. Je préconise donc une rencontre entre les gens qui s’opposent au Téléthon et les responsables de l’AFM qui ont toujours été prêts à rencontrer ceux qui le souhaitaient. Ils se conforment à la loi et contribuent à des entreprises qui sont par ailleurs aidées par l’Inserm, c’est-à- dire l’État. Je ne vois pas pourquoi on les attaquerait plutôt que l’État.

Mais faut- il, oui ou non, aller jusqu’au boycott ?

Pour moi, je ne boycotterai pas le Téléthon, mais j’appelle et les uns et les autres à entrer en discussion pour que ce qui ne convient pas soit abandonné.

Le Téléthon serait prêt à abandonner une piste de recherche ?

Les équipes du Généthon et du Téléthon sont tout à fait ouvertes à la discussion. Elles sont attentives à ne pas froisser ou attaquer les convictions religieuses de leurs membres. Je fais confiance aux uns et aux autres pour trouver des solutions, ensemble, plutôt que les uns contre les autres.

Vous parlez ici en votre nom, mais l’Église catholique doit- elle aussi s’engager ?

Pour être clair, je ne le souhaite pas. Le débat sur l’une des machines les plus extraordinaires montées pour sauver des gens est un bon débat. Mais je ne voudrais pas que ces discussions blessent des personnes déjà blessées… Je ne souhaite pas qu’on y apporte des solutions apparemment simples, mais qui laisseraient les gens dans leur détresse. Que des évêques parlent dans un sens, que d’autres parlent autrement, avec des nuances, c’est bon pour le débat, mais je souhaite surtout qu’on laisse ouvertes à la discussion un certain nombre de portes.

Quel est l’enjeu de cette polémique à l’échelle de la société ?

Il nous faut accepter que l’éthique chrétienne ne soit plus, à elle seule, celle qui soutient et anime l’éthique de la société. En même temps, on doit entendre notre avis, notre divergence. La question est alors de savoir comment l’exprimer. Il est clair que nous ne sommes pas obligés de donner de l’argent à des causes qui iraient contre ce qui nous paraît essentiel. Mais cela ne sert à rien de condamner sans appel, surtout quand il s’agit de recherches menées dans un cadre purement légal et dans un esprit de défense de la vie. Si, après discussion, on ne réussissait pas à atteindre un avis commun, alors il serait normal que les catholiques puissent refuser de participer. Mais vous savez, j’ai vu des parents de myopathes apprendre la myopathie de leurs enfants… J’ai entendu des parents qui ont vécu des drames extraordinaires dans leur famille. Quand la vie d’un enfant est en jeu, on fait tout pour la sauver et même parfois des bêtises… mais respectons d’abord cette douleur et n’ayons pas l’air de dire, au nom de principes, « votre douleur, on s’en fiche » ! Il y a certes matière à réflexion, mais je demande du respect.

La disparition de votre frère myopathe vous a beaucoup marqué…

Au moment où le diagnostic de la myopathie de Duchenne a été porté sur mon frère, on ne savait pas grand- chose de la maladie. Ma mère a appris bien plus tard que c’était elle qui avait transmis la maladie. Pour une mère, prendre conscience de cela marque à vie. Beaucoup de médecins ont pendant longtemps conseillé l’avortement aux femmes susceptibles d’avoir des enfants myopathes. L’AFM a aussi lutté contre cela. À sa manière, que je reconnais imparfaite. Mais comment ne pas souhaiter que les scientifiques continuent leur travail pour que l’espoir demeure dans le respect de la vie. De toute vie.

RECUEILLI PAR JEAN- MARIE GUÉNOIS

Mgr Georges Pontier

archevêque de Marseille et vice-président de la CEF
Dans Pèlerin , n° 6470, 30 novembre 2006

“Le téléthon a attiré l’attention du public sur les drames subis par les familles ayant un enfant myopathe. Il est aussi à la source d’un formidable élan de générosité. Les dons font progresser la science, on ne peut que s’en réjouir.

Cependant, la fin, aussi noble soit-elle, ne justifie pas tous les moyens. Or, la recherche sur les cellules souches embryonnaires et le dépistage des embryons malades sont contraire à notre vision de la dignité humaine : un embryon est un être humain en devenir et donc, à ce titre, ne peut être l’objet de recherches ou de sélection. Et puis, peut-on, d’un côté, montrer la grandeur des enfants myopathes, mettre en avant leur courage et, par ailleurs, tout faire pour qu’ils ne naissent pas ?

C’est pourquoi, s’il s’agit de soutenir les recherches qui visent la thérapie : oui ! Celles qui reposent sur l’instrumentalisation ou la sélection des embryons, non ! ”

Mgr Jean-Charles Descubes

évêque de Rouen, président du Conseil pour les questions familiales et sociales
(France 3 Haute Normandie, le 27 novembre)

Grâce à un fort engagement des médias à la cause qu’il défend, le Téléthon est devenu une grande opération nationale de générosité et de solidarité. Le comité d’éthique du diocèse de Fréjus-Toulon, relayant la Fondation Jérôme Lejeune, a attiré l’attention sur certaines recherches financées grâce aux sommes recueillies. Des questions se posent, par exemple, autour du diagnostic pré-implantatoire ou de la recherche sur les cellules souches. L’Association française contre les myopathies mène son action dans le cadre de la loi française et se bat sincèrement pour la vie. Mais, pour un chrétien, tout ce qui est légal n’est pas forcément moral. Je suggère donc que, dans les futures éditions du Téléthon, soit étudiée la possibilité d’affecter les dons. Les banques ont su le faire avec les placements éthiques. Pourquoi la recherche scientifique ne pourrait-elle pas le faire ?

Mgr Michel Guyard

évêque du Havre, membre du conseil pour les questions familiales et sociales

Il s’agit pas d’être contre le Téléthon ou contre la recherche médicale, mais pas à n’importe quel prix et pas de n’importe quelle façon. Justement, au sein de la commission de la santé, nous avons demandé au Téléthon de nous expliquer si c’était vrai qu’ils travaillaient sur l’embryon humain.
Ils ont répondu que, de fait, il y a avait des recherches dans ce sens là mais que les chercheurs n’avaient pas à se poser des questions d’éthique, que ce n’était pas leur responsabilité et leur travail et que la position de l’Eglise était ce qu’elle était mais qu’ils n’étaient pas tenus d’en tenir compte.
Ce que je souhaite, c’est que les gens puissent réfléchir : qu’est ce que nous cherchons en définitive ? On cherche à soigner des maladies, on a raison, mais pas contre l’homme parce que finalement travailler sur l’embryon humain, c’est travailler contre l’homme de demain

Mgr André Vingt-Trois

archevêque de Paris
(Extraits d’une interview sur Radio Notre-Dame le 12 novembre parue sur le site du diocèse de Paris)

Radio Notre-Dame : Faut-il que les catholiques continuent à soutenir cette opération ?

Monseigneur Vingt-Trois : Le Téléthon est une entreprise généreuse. Il a permis de grands progrès, d’abord dans la prise de conscience de l’existence des enfants myopathes et dans leur prise en charge, et ensuite dans la recherche contre la myopathie. Mais cela ne lui donne pour autant pas un chèque en blanc, en particulier quand sont privilégiées des pistes de recherche passant par la destruction d’embryons humains.
Radio Notre-Dame : L’interrogation est donc légitime ?
Monseigneur Vingt-Trois : Que des gens qui financent la recherche de leur propre poche posent des questions sur les conditions éthiques dans lesquelles elle se déroule, je ne vois pas ce qu’il y a d’extraordinaire. On peut même considérer que c’est un service que l’on rend. Si le Téléthon est une opération spectaculaire, il y a cependant d’autres moyens d’aider la recherche. D’autre part, des groupes se mobilisant pour le Téléthon pourraient dire : « Nous voulons bien contribuer à la collecte, mais pas pour faire n’importe quoi ».

Mgr Dominique Rey

évêque de Fréjus-Toulon
Message publié sur le site du diocèse

Comme chaque année, à l’approche du Téléthon, nous sommes appelés à répondre à de nombreuses questions liées à cet événement humanitaire. 2006 marque la 20ème édition du Téléthon. Pour la première fois, le Téléthon bénéficiera de 30 heures de télévision en direct. Pourtant, de nombreuses personnes s’interrogent sur cette vaste opération médiatique qui permet de financer à la fois les recherches et les traitements des maladies liées à la myopathie.

Depuis toujours, l’Eglise s’est trouvée aux premières lignes du combat humanitaire. Dans ce combat pour la dignité de la personne, elle ne sépare jamais la promotion de la solidarité sociale (qui refuse la misère et l’exclusion sous toutes ses formes) d’avec la défense de la vie, depuis la conception de l’être humain, jusqu’au dernier souffle.
Cependant, il nous faut relire la mise en garde délivrée par le Pape Benoît XVI le 16 septembre 2006, à l’issue d’un congrès sur l’avenir des thérapies issues des cellules souches : « Tout au long de son histoire, l’Eglise a soutenu les recherches consacrées au traitement de maladies et au bien de l’humanité. Mais elle s’est opposée, et s’oppose encore, à celles qui conduisent à la suppression d’êtres humains, y compris ceux qui sont à naître. L’Histoire elle-même a condamné dans le passé, et condamnera dans le futur, une telle science, non seulement parce qu’elle est privée de la lumière de Dieu, mais aussi parce qu’elle est privée d’humanité. »

A différents moments l’Eglise a rappelé la constance de son enseignement sur la nécessaire conformité de la loi civile avec la loi morale. Le 29 juin 2006, Mgr Ricard, président de la Conférence des Evêques de France, précisait notamment que « se poursuit la mise en place d’un processus de réduction de l’embryon humain à l’état de moyen, ce qui constitue une grave transgression éthique. Nous devons redire que l’embryon humain ne peut être considéré comme un simple matériau de laboratoire. » Le cardinal Ricard rappelait à cette occasion à l’Union européenne « le devoir moral de s’abstenir de promouvoir par le biais d’un financement communautaire ce type de recherche. »

L’Eglise invite donc les chrétiens à se mobiliser avec générosité pour favoriser le progrès de la science mais également, avant d’effectuer leur choix et soutenir tel ou tel organisme, à s’informer sur les recherches et les traitements qui prennent en compte ces repères éthiques. « Ce n’est pas parce que le Téléthon est une entreprise généreuse, parce qu’il a permis de grands progrès, d’abord dans la prise de conscience de l’existence des enfants myopathes et ensuite dans la recherche pour des traitements contre la myopathie, que ça lui donne un chèque en blanc » disait récemment Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Paris. Pour être en cohérence avec l’enseignement moral de l’Eglise, nous ne pouvons promouvoir des campagnes de dons que si elles offrent toutes les garanties éthiques nécessaires sur les expérimentations qu’elles soutiennent, en particulier vis-à-vis de l’embryon qui ne peut être considéré comme un simple matériau, puisqu’il est un enfant à naître.

Dans cette perspective, je souhaite que se développent de nouvelles orientations de recherche, qui respectent l’éthique de la vie, que défend l’Eglise dans son enseignement.

Publié le 18.12.2006.

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