Ordinations 2011 : “Ministres de la joie”
La ferveur était au rendez-vous avec plus de 3000 fidèles présents le dimanche 26 juin pour assister aux ordinations de 15 nouveaux prêtres à La Castille.
Voici l’homélie prononcée par monseigneur Dominique Rey lors de la messe qui coïncidait cette année avec la Solennité du Corps et du Sang du Seigneur.
Retrouvez aussi en pièce jointe l’homélie traduite :
– En anglais,
– En italien,
– En espagnol,
– En polonais.
Aujourd’hui se réalise pour nous de façon tout à fait particulière, la prophétie d’Isaïe : « Tu as multiplié la nation, tu as fait croître sa joie » (Is, 9,2)
Aujourd’hui, jour d’allégresse et de joie ! En ce jour de Fête Dieu ; où Jésus se donne à nous dans l’Eucharistie, Il nous donne les prêtres pour la célébrer.
Allégresse pour ces hommes qui ont été choisis par le Seigneur, qui vont être bénis, consacrés, envoyés au milieu de nous pour signifier la présence du Christ.
Allégresse pour leurs familles, leurs proches et leurs amis.
Allégresse de l’Eglise.
Jour d’allégresse et de joie !
En réalité, toutes ces joies s’entremêlent et se conjuguent en une seule action de grâce qui jaillit de nos lèvres et de nos cœurs (j’en dénombre 7).
– 1) Chers ordinands, il y a d’abord en vous la joie de l’élection :
L’appel du Seigneur a retenti il y a plusieurs années au plus intime de votre cœur. Vous l’avez pris au sérieux du discernement de l’Eglise ; vous l’avez entretenu, approfondi, purifié tout au long de votre formation.
La joie de l’élection, c’est la joie de l’Annonciation, la joie d’accueillir le Christ, et d’accueillir la mission qu’Il vous propose, qui n’est pas à votre mesure, mais à celle de sa grâce.
C’est dans la prière, jour après jour, que vous aurez à approfondir votre reconnaissance d’avoir été choisis, malgré vos pauvretés ; de la confiance inouïe que Dieu vous accorde. Vous laisserez son Esprit sculpter en vous le désir toujours inachevé d’être disponible à ce qu’il a déjà semé en vous.
– 2) Cette joie de l’élection s’épanouit dans la joie de la réponse. L’accomplissement de soi passe, comme pour la Vierge Marie, par un Fiat « Heureux celle qui a cru » (Lc 1, 45). Chers ordinands, vous consentez à Dieu, en répondant à l’appel du Christ et de l’Eglise, en vous livrant corps et âme à Lui.
« En Dieu, tout est joie, car en Dieu, tout est don », disait Paul VI. L’offrande de soi fait entrer le prêtre dans la joie trinitaire. « C’est en donnant qu’on se trouve », disait St François d’Assise. Trouver Dieu consiste à rejoindre le mouvement par lequel, en son Fils, Il se donne de toute éternité.
Chers ordinands, dès le point de départ de votre vocation, le Christ a eu raison, en vous, de vos autres motifs d’exister. Ainsi, vous témoignez de votre amour du Christ et de l’Eglise au prix du renoncement à exercer un métier, à fonder une famille, à jouir librement de la vie.
L’être sacerdotal est un être « pour ». Un être désapproprié de soi. Un être qui est passé de la servitude du moi, à la livraison de soi. On n’est pas prêtre pour soi-même ; si le diaconat précède le presbytérat, c’est pour souligner le fondement de la mission : servir. Servir jusqu’à la perte de soi, jusqu’à la Croix, jusqu’à ces paroles du Christ, prononcées en chaque célébration eucharistique, et que le prêtre fait siennes en brandissant l’hostie : « Ceci est mon Corps, livré pour vous. »
Joie de répondre amour pour amour, en sachant, selon la belle expression de Bernard de Clairvaux, que le « bonheur d’avoir trouvé Dieu n’affaiblit pas le saint désir, mais l’accroît au contraire. »
– 3) La joie du prêtre, c’est également de rendre présent le Christ, de le former en vous. C’est la joie de l’Epouse. La joie ecclésiale. La joie de la charité pastorale et de la paternité spirituelle. Communiquer la Parole de Dieu comme une parole de sagesse, qui me fait vivre et prier jour après jour ; administrer les sacrements de l’Eglise, signes efficaces du salut ; préparer le cœur de ceux qui vont recevoir : la vie éternelle par le baptême ; le pardon dans la confession ; la sanctification de l’amour humain dans le Mariage ; le réconfort de l’Esprit-Saint par l’onction d’huile au cœur de l’épreuve que traverse le malade… Autant de jubilations pour le prêtre dans l’exercice de son ministère. « On ne comprendra qu’au Ciel, écrivait le curé d’Ars, le bonheur qu’il y a de dire la messe ». Il ajoutait : « le prêtre doit avoir la même joie que les apôtres, en voyant Notre Seigneur, qu’il tient entre ses mains ». Le bienheureux Jean-Paul II osait prononcer cette formule lapidaire : « L’Eucharistie, c’est ma vie ». Pour le prêtre, célébrer le sacrifice eucharistique, c’est retrouver son identité sacerdotale, en donnant Dieu au monde, et en donnant le monde à Dieu.
Il y a un an, Benoît XVI, à la clôture de l’année sacerdotale, écrivait : « La joie du prêtre est de voir l’œuvre de Dieu dans les âmes des fidèles qui lui sont confiés ». Oui, la joie du prêtre n’est pas de communiquer aux autres sa propre richesse, mais de leur révéler la leur.
– 4) La joie du prêtre se nourrit encore de la fécondité de son ministère. C’est la joie de la moisson. Cette joie se mesure à la peine à laquelle il a fallu consentir afin de parvenir à la récolte. « Il s’en va en pleurant, il jette la semence. Il s’en vient en chantant, il ramasse des gerbes », dit le psalmiste. (Ps 125. ) Son apostolat sera marqué par ses vulnérabilités et ses limites personnelles. Mais comme pour Jacob, le lieu de notre blessure est parfois le lieu où Dieu nous rencontre et nous fait porter du fruit. Tout en reconnaissant le fruit de son labeur, le prêtre devra vite se départir de toute fierté personnelle et faire remonter en bénédiction vers Dieu, le bien qu’il peut accomplir.
La joie de la moisson, c’est voir des vies se convertir au Seigneur, c’est exulter avec le Ciel, où il y a « plus de joie pour un pécheur qui se repentit, que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de repentance. » (Lc 15, 1-10)
La loi qui préside à toute l’histoire de l’Eglise est la loi de la disproportion. Disproportion entre les moyens dont l’Eglise dispose, et la mission que le Christ lui confie. Le prêtre fait l’expérience de cette modestie, jusqu’à ne plus disposer de sa propre vie puisqu’il doit la dépenser pour le Christ et pour le service de ses frères en humanité, bien souvent sans pouvoir se complaire dans les résultats de son action. Rien d’étonnant à cela puisque cette mission, destinée à la multitude, ne provient, en sa source, que de l’extrême solitude du Christ qui livre sur la Croix sa vie en partage.
– 5) « Demeurez en mon amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. » (Jn 15)
Le prêtre fait revivre ces paroles de l’Evangile de Jean. La joie du prêtre, c’est d’être au Christ, d’être configuré au Christ Bon Pasteur. C’’est la joie de l’identification au sacerdoce du Christ, « grand prêtre du bonheur qui vient », pour reprendre les mots de l’Apocalypse.
Cette joie de suivre le Christ jusqu’au bout, jusqu’à la croix, les Actes des Apôtres en témoignent : « Les Apôtres s’en allèrent au Sanhédrin, heureux d’avoir été jugés dignes de subir les outrages au nom de Jésus » (Ac 5, 41). Aux résistances extérieures, faites d’indifférences, d’incompréhensions, voire de persécutions, s’ajoute la souffrance de l’amour qui, en nous, se trouve imparfait. Le prêtre, plus que tout autre, est confronté en sa chair, à la tragédie de notre monde qui est son éloignement de Dieu. Mais la joie d’être au Christ nous conduit, non pas à nous arrêter aux souffrances mais à consentir, à travers elles, à aller jusqu’au bout de l’amour. L’épreuve est souvent l’ombre de la bénédiction.
« Plus tard, nous verrons que les moments d’impuissance étaient peut-être les plus grands moments de notre vie », confiait le cardinal Journet. Nous savons que toute ascension se nourrit de douleurs dépassées.
– 6) Oui, le prêtre éprouve la joie de la paternité et en même temps, de l’engendrement dans la douleur, mais aussi il connaît la joie de la fraternité. Dans les Actes des Apôtres, le constat « Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en commun » (Act 2,44) s’articule à cet autre constat, « ils étaient remplis de joie et d’Esprit-Saint » (Act 13, 52)
Joie de l’agapé, de la vie fraternelle. Le prêtre inscrit son ministère dans un presbyterium qui entoure l’évêque et collabore à sa charge apostolique. Le prêtre est envoyé à une communauté qui ne l’a pas choisi et qu’il n’a pas choisie. St Thomas d’Aquin disait que « la joie n’est pas une vertu distincte de la charité. Elle en est un acte ou un effet ». La joie intérieure se dilate en communion fraternelle. Dans un monde livré à la solitude et à l’anonymat, au désenchantement, et à la quête effrénée de bonheurs factices et en trompe l’œil, le prêtre est le témoin de la vraie joie. L’apôtre Paul appelle lui-même les ministres de l’Evangile, « les serviteurs de la joie, chargés de collaborer à notre joie. » (2 Cor 1, 24)
La vie communautaire, vécue entre prêtres, vécue avec les fidèles laïcs, doit nous apprendre à ne jamais renoncer à la joie, mais plutôt à l’entretenir entre nous, à la déployer dans le service d’autrui. Notre joie est de faire le bonheur des autres. « Ne laissez personne venir à vous, et repartir sans être plus heureux », demandait Mère Teresa à ses sœurs. Notre joie celle de la communion des saints, (et, comme dans toutes les processions eucharistiques en ce jour de la Fête Dieu), de marcher ensemble avec le Seigneur, vers le Seigneur.
La joie de servir nos frères et sœurs déplie l’âme. Dieu aura dans notre vie la place que nous accordons à la joie de les servir.
– 7) La joie du prêtre est enfin, fille de l’espérance. Rappelons-nous la parabole du majordome. « Heureux les serviteurs qu’à son arrivée, le Maître trouvera à son service » (Mt 25, 45). Cette parabole nous fait entrer dans la grâce de la fidélité. A chaque messe, la venue sacramentelle du Christ tire en avant notre joie vers celle de Dieu, vers la manifestation glorieuse du Christ au terme de l’histoire.
La béatitude du prêtre est d’être témoin d’une promesse qui s’accomplit, pour le monde, à chaque messe, le prélude d’une victoire définitive confiée à notre espérance. Notre salut n’est pas à faire. Le prêtre rappelle aux fidèles qu’il nous est offert.
La mission du prêtre, face au scepticisme désabusé, est de nous éveiller à la louange, à l’unisson avec les chœurs célestes et avec tous ceux qui contemplent la gloire de Dieu, tous ceux qui nous entraînent dans l’action de grâce : « Restez toujours joyeux ! » (1 Th, 5-16) « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ! (Ph 4,4) » Ces rappels constants de l’Ecriture s’adressent certes à tout chrétien, mais en particulier au prêtre. Le prêtre est ordonné « à la joie » du salut, et c’est à cette joie qu’il ordonne le monde, en révélant l’auteur de cette joie. Son ministère est de remettre le monde à l’endroit, c’est-à-dire dans l’orbite de Dieu, de mettre Dieu au centre de nos vies pour que tout reprenne forme et joie à partir de Lui.
Conclusion
Chers frères et sœurs,
Ces 15 prêtres seront envoyés au service de votre sanctification, au service de la croissance théologale et missionnaire de vos communautés.
Ayez de « l’estime » (1 Th 5, 13) pour leur engagement, pour leur ministère. Ils vous sont envoyés de la part du Seigneur.
Demandez-leur de vous faire grandir dans la foi, et vous les aiderez eux-mêmes à enraciner leur confiance en Dieu. Demandez à vos prêtres ce que vous attendez du Christ. Demandez-leur de vous donner le Christ, c’est le meilleur service que vous pourrez leur rendre.
Soutenez leur ministère par votre fidèle prière, par votre aide matérielle et pastorale, tout en acceptant que « vos » prêtres ne soient pas qu’à vous. Ils sont aussi prêtres pour les brebis égarées.
Aidez-les à vivre jusqu’au bout leur fidélité au Christ et à l’Eglise, leur chemin de sainteté. Aidez-les à vivre les engagements qu’ils vont prendre devant vous : le choix du célibat, une simplicité de vie évangélique, l’obéissance à l’Eglise.
Je vous confie aussi leur humanité. Vous rappelez-vous ce qu’est un prêtre ? Je ne vous demande pas de les placer sur un piédestal, mais poser sur eux un regard de foi et d’espérance, car tout prêtre qu’il soit, il est soumis, comme vous, aux mêmes combats. Je vous les confie, car s’ils n’ont pas fondé de famille, c’est que leur famille, c’est vous.
Et que la joie de cette ordination puisse traverser toute leur existence, qu’elle fasse aussi la joie de l’Eglise. Une joie que personne ne pourra leur ravir.
+ Dominique Rey
Le 26 juin 2011 à La Castille
Publié le 27.06.2011.
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