Noël, éloge de l’esprit d’enfance

En la veille de Noël 2010, monseigneur Dominique Rey a rappelé aux lecteurs du Figaro en quoi cette fête chrétienne réveille l’enfant qui sommeille en nous.

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À lire les journaux, à regarder la télévision, à surfer sur Internet, notre société est souvent surprise en flagrant délit de répétition. Elle bégaie. Une roue invisible ramène au quotidien les mêmes guerres, les mêmes malheurs et ceux qui en réchappent sont toujours les mêmes ! L’actualité tourne en boucle. Elle nous trouve blasés et sceptiques. Comment sortir de l’engrenage des violences qui frappent sans cesse les plus faibles ? Comment inverser des courbes de chômage, de la délinquance ? Enrayer le cancer, le sida ? Les défaites de l’humanité, souvent aux prises avec ses propres inconséquences parce qu’elle se refuse à regarder en face et à traiter des vrais problèmes, conduisent à la résignation, au fatalisme, et, en définitive, à une désespérance larvée. On doute d’une amélioration possible. Demain ne peut que ressembler à aujourd’hui. Comme la tombée du jour précède l’irruption de la nuit, comme la fin de l’été annonce déjà l’hiver, l’enchaînement mécanique des choses ne peut laisser place à un inédit ou à l’inattendu.

Les économistes ou démographes ne sont pas en reste : le futur est d’emblée dévisagé sous les moindres coutures, enserré dans les mâchoires des prévisions ou des projections de tout poil. On prédit à distance le temps qu’il fera la semaine prochaine, l’augmentation des prix, le cours du dollar, la durée de votre vie… les pronostics s’emparent des jeux, les tabloïds du sport comme les sondages d’opinion font loucher les politiques. Et tant pis si les calculs s’avèrent incertains ou improbables, on n’hésitera pas à consulter un gourou ou un devin, tirer les cartes ou le tarot pour se garantir ou se prémunir du hasard tant redouté. L’inquiétude de l’avenir légitime un conformisme frileux de pensée ou d’action. « N’y aurait-il rien de nouveau sous le soleil ? » (Livre de l’Ecclésiaste).

Et pourtant, voici qu’une nouveauté absolue éclate dans la monotonie des jours. Quelque chose que l’homme n’avait pas imaginé, qui n’était pas monté dans son coeur, que n’avait pas imaginé sa raison. Quelque chose de totalement déconcertant : Noël. Dieu dans un bébé. Ce qui dépasse l’homme, manifesté dans ce qu’il est à peine. Un Dieu qui babille, sourit et pleure, et qui suce le sein de sa mère Marie. Il nous faudra des siècles pour ne plus se frotter les yeux, taxer cette réalité de mythe ou de conte de fées. Cette descente de Dieu en notre humanité en ce qu’elle a de plus fragile et de plus déroutant révèle le prix qu’il a payé pour retourner notre histoire, comme la terre après le labour.

La fête de Noël nous invite non seulement à contempler l’enfant de Bethléem, mais aussi à envisager le monde à partir du regard de cet enfant. Un regard d’innocence, de fraîcheur, d’espérance, libre de toute compromission. Trop sérieux ou trop blasés face au spectacle du monde, nos yeux d’adultes cultivent le scepticisme, le fatalisme ou la dérision. Pour émerveiller nos coeurs désabusés, nous n’hésitons pas à recourir aux artifices de la technologie ou à solliciter la médiation artistique, leur demandant de stimuler la part de rêve qui somnole en nous. Le petit enfant, lui, est si proche de son origine qu’il découvre de la nouveauté et de la beauté dans les choses les plus banales et les plus dérisoires : un sourire qu’on lui décroche, le chant d’un oiseau, un nuage qui passe… Apprendre à discerner le merveilleux dans les petites choses de la vie, telle est la leçon de Noël. Leçon de vie mais aussi message spirituel. Dieu est descendu dans l’ordinaire des jours et dans la fragilité d’un nourrisson pour révéler son visage. Le tout-puissant s’est fait le tout-petit, nous faisant redécouvrir le miracle de l’enfance.
L’enfance a du prix aux yeux du chrétien. Jésus taxe de « scandale » ceux qui lui portent atteinte. Mais elle ne peut se réduire à un stade chronologique de l’existence. L’esprit d’enfance n’a rien de transitoire. Il perdure en l’adulte que nous sommes devenus. Notre effort est de le retrouver, c’est notre spontanéité à nous éblouir. Notre simplicité à se contenter du peu. Notre capacité à rêver et à espérer au coeur de la nuit. Souvent, le vieillard « retombe », malgré lui, en cette enfance dont il s’était éloigné. Elle le rattrape juste avant le terme comme pour lui enseigner que le monde de Dieu qui l’attend est celui de l’éternelle enfance. « Quand je me présenterai devant Dieu, c’est l’enfant que je fus qui me précédera » (Bernanos).

Nous résistons de toutes les forces de notre raison et de notre suffisance à retrouver l’enfance. Quand il faut sortir les crocs dans un monde de compétition et de labeur, lorsque l’autre devient un rival, l’ingénuité de l’enfant, son insouciance, sa vulnérabilité apparaissent comme des tares. On prend si peu au sérieux l’enfant qu’on le parodie lui-même. On joue à l’enfant lorsqu’on refuse la maturation, lorsqu’on se calfeutre en l’enfance pour éviter de grandir parce que l’on a peur de prendre en charge et d’affronter les contraintes, que l’on se contente de l’assistanat, que l’on campe dans des relations courtes, chaudes, fusionnelles et que l’on cherche sans cesse des protections et des sécurités.

Tel n’est pas l’esprit d’enfance que propose l’Évangile. L’enfant du Père que restera Jésus jusqu’au Calvaire assumera toutes les exigences, les combats et les contradictions de son humanité exposée et offerte, engagée au service d’autrui. Mais, dans sa vie d’adulte, il cultivera un attachement sans compter à son Père, la vertu de l’émerveillement, une compassion pleine de délicatesse face au mal dont il n’a pas idée, une simplicité déroutante pour ses proches, un enthousiasme qui attirait les foules.
À cause de Noël, avec de « l’ancien » que nous sommes quelque part, Dieu peut faire jaillir du « neuf ». Il vient faire « renaître » et réveiller l’enfant que nous avons été, et que, pour Lui, nous n’avons jamais cessé d’être. À la crèche, Noël nous fait le cadeau de l’esprit d’enfance. Don inestimable. Dans notre société où tout s’achète et tout se vend, ce présent gratuit et gracieux convertit notre coeur usé par l’habitude. Il nous libère de la routine et des mondanités. Il guérit les enfances meurtries dont nous avons été les victimes ou les complices. « Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu » , nous dit Jésus. Le monde de Dieu est celui de l’enfance. Noël nous y fixe rendez-vous.

Apprendre à discerner le merveilleux dans les petites choses de la vie, telle est la leçon de Noël

+ Dominique Rey

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