L’impasse : du mariage laïc au mariage gay

Entretien avec Jacques de Guillebon


Que pensez-vous du projet de loi de « mariage pour tous » ?

J’en pense qu’il est le fruit pourri de la philosophie maîtresse de notre temps, celle du désir opposable qui non seulement définit l’homme comme roi de lui-même en sa solitude, mais encore qui l’autorise de faire valoir ses droits illimités sur la société elle-même. Imaginons un clochard qui à la suite de difficultés psychologiques, comme c’est presque toujours le cas aujourd’hui, ne peut plus vivre qu’à la rue. Le devoir de la société est évidemment de le soutenir dans sa souffrance, de lui fournir les moyens de subsister et de l’aider, si c’est possible, à recouvrer une existence plus digne. Mais en revanche, la société ne serait nullement tenue de satisfaire ses désirs absurdes, s’il lui passait par la tête de réclamer par exemple qu’on lui installe l’eau courante, le chauffage, un canapé et une télévision au milieu de la rue – comme s’il pouvait y vivre selon les mêmes modalités que l’individu moyen à son domicile. Or, c’est très exactement ce que nous sommes requis d’admettre avec ce « mariage pour tous ».

Qu’est-ce que cela change dans l’ordre de la procréation et de la filiation ?

Tout. Même si l’adoption par les couples de personnes homosexuelles– et la PMA et la GPA si jamais elles étaient, comme ce serait logique, autorisées par une loi future – ne concernera qu’une infime minorité d’individus, la capacité donnée par la société au « désir d’enfant » de se réaliser envers et contre toute évidence brisera définitivement la légitimité de la cellule familiale de base, celle sur laquelle nous vivons en occident depuis au moins trente mille selon toute probabilité, celle de l’homme et de la femme qui se rencontrant et s’unissant deviennent père et mère, c’est-à-dire celle où l’enfant est le résultat immédiat de la relation de deux personnes librement engagées l’une envers l’autre et surtout envers leurs rejetons. La filiation dans la famille nucléaire repose sur le confluent génial d’un mouvement naturel et d’une obligation sociale. C’est ce que l’on tente de briser aujourd’hui, en remplaçant ce mouvement naturel par la technique.

Faut-il craindre la PMA et la GPA ?

Même si le président de la République affirme que la pratique de la première est suspendue à l’avis du Conseil national d’Ethique et que la seconde ne sera jamais autorisée, lui président, dans les faits l’idéologie concurrentielle du libéralisme généralisé va une nouvelle fois s’appliquer, puisqu’elles sont déjà autorisées dans des pays voisins. En conséquence, comme cela s’est toujours fait dans de pareils cas, ou bien les autorités françaises fermeront hypocritement les yeux sur des pratiques censément illégales mais réalisées à l’étranger, en en reconnaissant le fruit a posteriori, ou bien, ce qui est plus probable malheureusement, les lobbyistes argueront de cette « injustice » pour réclamer la légalisation immédiate de ces pratiques techniciennes.

Vous parlez de « marché de la parentalité » : n’est-ce pas exagéré ?

La France a une tradition, remarquable, de non-marchandisation du corps. Mais aux Etats-Unis, par exemple, et sans doute dans tous les pays protestants ou anglo-saxons, on n’a pas une telle vergogne : l’horreur a déjà commencé, avec son cortège de contractualisation et de judiciarisation. Je n’en veux pour preuve que cette étrange, et peut-être rassurante, histoire advenue tout récemment : celle de cette mère-porteuse qui, payée 22 000 dollars pour satisfaire le « désir d’enfant » d’un couple de personnes homosexuelles, a décidé envers et contre tout, malgré les clauses précises de l’immonde contrat qui la liait aux futurs propriétaires de l’enfant, de garder l’enfant polyhandicapé qui grandissait en son sein, rappelant qu’elle était la seule à ressentir physiquement la volonté de survie du pauvre fœtus. Pour échapper aux poursuites judiciaires, elle est allée accoucher dans un Etat voisin où la GPA n’est pas autorisée : légalement, elle devenait donc la vraie mère de l’enfant, privant les commanditaires du fruit de leurs manipulations de cuisine de sorcière. Là où croît le péril, croît peut-être aussi ce qui sauve, finalement.

Assistons-nous à l’émergence d’un nouveau paradigme anthropologique, à un « changement de civilisation » ?

Certainement, mais ce paradigme a déjà plusieurs décennies à son actif, c’est un quadra, si j’ose dire. Ceci n’est qu’une péripétie supplémentaire dans les grandes aventures de Modernus postmodernus.

Faut-il remettre en question le mariage civil ?

Il se remet bien en question tout seul. Il ne tiendra plus longtemps, et l’on se demande à quoi il peut bien rimer d’ailleurs, sinon à octroyer des avantages matériels aux contractants. Mais remettre en question le lien, aujourd’hui inique, qui assujettit le mariage catholique à ce contrat civil qui dissimule un nouvel égoïsme sous le nom de l’ancienne vertu, est en effet une nécessité. Mais il faudrait que notre courage de catholique grandisse.

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Propos recueillis par Falk van Gaver

Jacques de Guillebon, L’impasse, L’œuvre, 2013

Publié le 09.04.2013.

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