Le trait d’union entre Dieu et les hommes
Homélie de monseigneur Rey pour la messe chrismale du 28 mars 2018 à la cathédrale Notre-Dame de la Seds de Toulon.
Dans quelques instants, chers frères prêtres, vous allez renouveler vos engagements sacerdotaux. Vous le ferez ensemble. Et ce geste de communion exprimera la fraternité sacramentelle qui vous unit.
La mission du prêtre est de mettre en communion, d’une part avec Dieu et d’autre part avec nos frères et sœurs. L’Eglise en tant que sacrement du Salut, se déploie ainsi de 2 manières. Elle est communion verticale et communion horizontale. La verticalité c’est-à-dire l’union à Dieu, trine et un, est la condition de l’horizontalité, c’est-à-dire de l’union du genre humain à Dieu par la proclamation du salut à tous, pour tous. L’unité trinitaire s’accomplit à travers la construction de l’Eglise qui existe pour ce qui n’est pas encore l’Eglise.
Le sacerdoce, un trait d’union
Oui, la communion à Dieu et entre nous est portée par le ministère des prêtres. Et cette communion n’est pas le fruit d’un compromis ou d’un consensus. Elle est un don de Dieu. Elle a un fondement eucharistique. Rappelons-nous les paroles de l’apôtre Paul dans la première lettre aux Corinthiens, au chapitre 10 : « Puisqu’il n’y a qu’un seul Pain, la multitude que nous sommes est un seul Corps, car nous avons part à un seul Pain. » « Humblement, nous te demandons qu’en ayant part au corps et au sang du Christ, nous soyons rassemblés en un seul Corps. » (PE n° 2)
Le prêtre fait l’eucharistie et l’eucharistie fait le prêtre
Par l’eucharistie, le Christ présent dans le pain et dans le vin et se donnant toujours à nouveau, construit l’Eglise comme son corps et nous unit les uns aux autres en Lui. Je reprends la célèbre phrase du P. de Lubac, qui s’inspirait des Pères de l’Eglise : « l’Eglise fait l’eucharistie et l’eucharistie fait l’Eglise » On pourrait appliquer cette formule au prêtre lui-même : « le prêtre fait l’eucharistie et l’eucharistie fait le prêtre », au sens où le prêtre célèbre la Pâque du Seigneur et l’eucharistie façonne chez le prêtre un mode d’être à Dieu et aux autres qui est fondé sur le don de soi au Christ.
Le presbyterium, lieu de communion
Cette communion entre prêtres repose sur une base hiérarchique. Les prêtres sont les collaborateurs de l’évêque au sein du presbyterium. Cette communion appelle des attentions et des sollicitudes mutuelles que je vous rappelle tout en me les rappelant aussi à moi-même, « tout comme le Christ appelle ses disciples, non plus serviteurs mais amis, l’évêque doit considérer les prêtres comme ses coopérateurs, comme ses fils et ses amis », rappelle Lumen Gentium, ce qui requiert pour lui-même, et de la part de ses proches collaborateurs dans l’episcopé, la connaissance de chacun, une vigilance particulière sur les questions matérielles, de santé, de solitude des prêtres, mais aussi une attention particulière pour la sanctification et la formation permanente de chacun. Face à l’individualisme ambiant et au cléricalisme, un souci majeur sera aussi de favoriser des rencontres fraternelles entre prêtres, des prières communes et des coopérations pastorales. Je mesure chaque jour nos insuffisances dans tous ces domaines. Des efforts et des pardons sont à vivre pour grandir ainsi dans une vraie communion sacerdotale au service de la mission.
Cette communion est à vivre et à faire vivre aussi de la part des prêtres vis-à-vis de l’évêque dans un climat de charité et d’obéissance que rappelle Lumen Gentium et que vous allez exprimer verbalement tout à l’heure. La tentation est grande pour un ministre ordonné de rouler pour son propre compte, de s’approprier sa mission, de mettre la main sur sa communauté, de ne jamais rendre compte de son gouvernement pastoral, de ne jamais accepter qu’il soit ou puisse être remis en cause ou corrigé.
La communion ministérielle est le moteur et le catalyseur de la constitution de la communauté chrétienne et de son unité : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples », disait Jésus aux siens. Cette charité fraternelle entre prêtres implique aussi des efforts de connaissance, de bienveillance, de proximité, de soutien, de collaboration. Elle appelle aussi un respect mutuel face aux jugements spontanés sur la couleur de la soutane de l’un, l’origine étrangère de l’autre, la dévotion mariale jugée exagérée du troisième, les initiatives pastorales ou le tempérament du quatrième…
Il y a dans notre Eglise diocésaine une grande diversité de charismes, de sensibilités, d’origines, et c’est une chance et une richesse. Mais cette diversité doit converger vers l’édification de l’unique Corps et l’annonce du même évangile du Salut, dans la fidélité au Magistère de l’Eglise et l’engagement pour une nouvelle évangélisation. Les rivalités, les jalousies et les quant-à-soi ont l’âge de la concurrence entre Paul et Apollos à Corinthe. Comment pourrions-nous promouvoir ad extra la charité pastorale si nous ne l’expérimentons pas du dedans ? Comment témoigner de l’universalité de l’Eglise si on refuse qu’elle s’exprime chez nous ? Je souligne un aspect particulier de cette solidarité en ce qui concerne les prêtres en difficulté, les prêtres malades, mais aussi les prêtres âgés.
Un pas vers la sainteté
La charité fraternelle, non seulement nous invite à nous supporter, sans esprit de concurrence, mais aussi de nous stimuler ensemble vers la sainteté. Je me souviendrai toujours des ultimes confidences d’un être âgé qui quelques semaines avant sa mort, me disait : « J’ai plus souffert de l’intérieur de l’Eglise que de mon apostolat en pleine pâte humaine et au milieu des pauvres. Depuis 30 ans, j’ai résolu de prier chaque jour et de ne jamais répondre aux jugements et aux critiques de mes confrères… Un presbyterium devrait fournir aux prêtres une patrie spirituelle et une sécurité intérieure. »
« Devenir prêtre, c’est commencer à mourir », disait à Don Bosco le jour de son ordination, sa mère Marguerite. Le prêtre qui va jusqu’au bout de son appel, sans transiger, sans se comparer, sait qu’il doit monter sur la croix. Certains ne prennent pas au sérieux le tragique d’une existence qui doit être configurée au Christ, qui donne sa vie pour le salut de tous. Mais le Seigneur, à chaque instant, nous relève grâce à la main de nos frères dans le sacerdoce. Ceux-ci nous aident à nous redresser, à nous dégager des médiocrités et des replis sur soi et à retrouver le zèle pour la mission.
Soutenir ses prêtres, un devoir de chrétien
Le prêtre, serviteur de la communion, doit pouvoir compter également sur votre appui, chers frères et sœurs, laïcs et consacrés. Le presbyterium n’est pas isolé de la communauté ecclésiale dans son ensemble. Il ne doit pas s’ériger tour d’ivoire. Le prêtre est un père, mais également un frère à votre service. Jésus lui-même a dit à ses disciples : « Vous êtes tous frères » (Mt 23, 8) Présider la communauté, ce n’est pas la diriger en fonctionnaire, mais la servir en valorisant les dons de chacun en vue d’une « vraie co-responsabilité » (Benoît XVI) avec un soin particulier et privilégié pour les petits et les démunis. Nous avons tant à recevoir de ceux que l’on prétend servir ! L’abnégation et la disponibilité de bien des fidèles sont édifiantes et stimulantes pour la vie spirituelle du clergé. On reçoit tant de ceux à qui l’on donne. La communion se construit par le bas.
Chers frères laïcs, priez pour les prêtres ! Ceux que Dieu vous donne. Il les confie aussi à votre sollicitude. Aidez les prêtres à vivre en plénitude leur passion pour le Christ, car comme le disait le Padre Pio, en évoquant la montée de Jésus à Jérusalem, « l’âme de la Passion pour un prêtre, c’est la passion des âmes. »
+ Dominique Rey
Publié le 12.06.2018.
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