Le confinement, elles l’ont choisi à vie : rencontre avec les petites sœurs de la Consolation de Draguignan

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A quoi peut bien ressembler une existence menée entre les murs d’un monastère ? Comment vivent ces âmes pieuses, qui ont fait le choix d’entrer dans les ordres? Comment s’organisent-elles au quotidien? A toutes ces interrogations, les petites sœurs de la Consolation, installées à Draguignan depuis 1989, apportent des réponses. En laissant parler leur cœur…

Reposant sa tasse de café, sœur Agnès, prieure des petites sœurs de la Consolation du Sacré-Cœur et de la Sainte Face, annonce : « Avant d’aller plus loin, il me faut vous conduire dans un endroit particulier. Là où se trouve le cœur de notre vie. »

Sans perdre une minute, la sœur s’engouffre dans l’une des nombreuses coursives du monastère, jusqu’à atteindre un escalier pentu, dont le sommet laisse entrevoir une porte en bois de couleur bleue. L’ouvrant sans un bruit, sœur Agnès entre alors dans la chapelle du Sacré-Cœur, lieu emblématique de la communauté, et prend place sur la dernière rangée de bancs. Devant elle, une dizaine de sœurs s’adonnent à leurs prières quotidiennes. Leurs murmures sont à peine perceptibles et leur concentration, imperturbable.

« Chez nous, personne n’a le droit de dire : je ne sais pas faire »

« En plus des sept heures de prières collectives, chacune de nous accomplit des oraisons personnelles, à raison d’une heure et demie par jour au sein de la chapelle, souffle la prieure. Le premier office démarre à 6h15, le dernier s’achève à 22 h. »

Et entre les temps de prière, les moniales ne chôment pas. Bien au contraire.
Reprenant son chemin, sœur Agnès décrit ce qu’est une journée type au sein du monastère : « Tous les matins, réveil entre 5h30 et 5h45 pour tout le monde. Celles qui veulent dormir un peu plus doivent le signaler sur un tableau commun la veille. »

Ici, pas de réveil sur les tables de nuit. Une sœur se charge de sonner la cloche. « Ensuite, poursuit-elle, lorsque nous ne sommes pas à la chapelle, nous travaillons. Ménage, repassage, cuisine, vaisselle, jardinage, etc., nous avons de quoi nous occuper. Nous le faisons toujours par deux, mais nous changeons d’emploi et de binôme tous les quinze jours. Chez nous, personne n’a le droit de dire : je ne sais pas faire. Nous disons : je vais apprendre. Cela donne confiance en soi et apprend la bienveillance. Par exemple, quand on a soi-même nettoyé des kilomètres de couloir, on comprend l’importance de respecter le travail des autres. »

« Nous ne sommes pas la vieille fille qui travaille pour soi, seule dans son coin »

À l’extérieur, après avoir traversé les jardins fleuris du monastère, sœur Agnès retrouve les sœurs Bernadette et Véronique, occupées à vider les cagettes de fraises pour la préparation de la confiture. « La cuisine est un travail qui n’attend pas, on ne peut pas le remettre au lendemain, sourit-elle. Pour ce qui est de l’approvisionnement, il nous arrive de faire des courses, mais nous sommes aidées par des associations de bienfaisance. Et, comme ici avec les fraises, les supermarchés de la ville nous donnent leurs invendus une fois par semaine. »

Sœur Agnès est soudainement interpellée par sœur Sophie, qui invite à la rejoindre dans la partie réservée à la lingerie.

« Tout ce que nous avons sur le dos, nous le confectionnons, explique-t-elle. Au moment de leur prise d’habits, les sœurs apprennent à faire et à repriser. Comme nous avons fait vœu de pauvreté, ces apprentissages sont très importants. Et rien de ce que vous voyez là n’est à nous. Nous n’avons aucune attache matérielle. »

Les manteaux de chœur, accrochés sur la penderie mobile derrière elle, affichent pourtant des initiales cousues à l’intérieur du col.

« Nous sommes quand même obligées de faire du sur-mesure. Avec son mètre soixante, sœur Agnès ne pourrait pas porter la même taille de vêtement que moi, et mon mètre soixante-dix », plaisante sœur Sophie.

Puis, arrivée dans la salle de couture, aux tiroirs soigneusement étiquetés, elle reprend : « Tout doit être rangé et organisé, pour que les sœurs qui nous succéderont ici dans quinze jours puissent s’y retrouver. Nous ne sommes pas la vieille fille qui travaille pour soi, seule dans son coin. »

Cela étant, la cohabitation n’est pas toujours évidente. « Surtout entre femmes, concède sœur Agnès. Les éclats de voix sont très rares, et je n’ai jamais assisté de ma vie à une bagarre. Mais il y a eu des heurts. Ceux-ci se résorbent naturellement car nous ne sommes pas un groupe de copines, mais une famille unie dans la consolation éternelle de Jésus. Et contrairement à ce que l’on peut retrouver dans une vie professionnelle, il n’y a ni ambition, ni domination, ni volonté d’écraser l’autre. Tout cela n’a aucun intérêt pour nous… »

« Si seulement cette crise pouvait redonner le goût de l’entraide »

« Mon âge ? Ah non, ça ne se dit pas ! Je peux juste vous dire que je compte parmi les plus anciennes. » Sœur Agnès éclate de rire. Originaire des Landes, dans le Sud-Ouest, cette ancienne professeure de français et latin-grec est entrée dans les ordres à l’âge de 25 ans.

Et vit au monastère depuis la fondation des petites sœurs de la Consolation du Sacré-Cœur et de la Sainte Face, il y a trente ans. « C’est un acheminement personnel, ça ne vous tombe pas dessus comme ça, ou en tout cas c’est très rare, livre-t-elle. Et c’est quelque chose qui ne s’explique pas. C’est comme demander à une personne pourquoi elle se marie avec untel plutôt qu’avec un autre. »

« Cette pandémie nous rappelle que nous sommes des êtres fragiles »

Mais sœur Agnès a tout de même eu un déclic… « Lorsque j’étais en retraite, le curé est mort sous nos yeux pendant la messe, victime d’un malaise cardiaque. ça m’a fait quelque chose. On prend conscience que la vie va vite, qu’elle peut s’arrêter brusquement, et on se demande ce que l’on veut en faire. J’ai donc fini par prononcer mes vœux perpétuels au bout de huit ans et demi d’engagement. »

Et aujourd’hui, sans pour autant oublier sa vie d’avant, sœur Agnès ne nourrit aucun regret. « Il y a parfois des moments de nostalgie, mais je suis convaincue d’avoir pris la bonne décision. Pas question de me retourner sans cesse en arrière en me disant que je n’aurais peut-être pas dû. »

Au contraire, sœur Agnès dispose du recul nécessaire pour évoquer les choix, les sacrifices de sa vie. Et c’est avec sagesse, en ayant un regard parfois acerbe, qu’elle observe les réalités qui l’entourent.

« Aujourd’hui, le monde souffre. Il pousse un grand cri. Et pas seulement à cause du Covid-19. Il y a aussi la faim en Afrique, l’esclavage en Asie, et bien d’autres fléaux dont on ne parle presque pas. Cette pandémie s’ajoute à tout ceci et rappelle à tous ce que nous sommes, c’est-à-dire des êtres fragiles. Si seulement elle pouvait redonner le goût de l’entraide », espère-t-elle. Mais sœur Agnès « y croit sans y croire ».

« Car de très belles choses se sont manifestées, mais il y en a eu aussi de très vilaines. Comme toujours, il y a ceux qui développent l’entraide et le partage, et ceux qui sont prêts à tuer le voisin pour un morceau de pain. Ces problèmes sont vieux comme le monde, mais chacun reste libre d’y participer ou non. Jésus a dit : aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Parfois, quand on voit tout cela, on n’a pas du tout envie d’aimer son prochain. Ce n’est pas toujours évident, c’est quelque chose qui se travaille et se puise à l’intérieur de soi », reconnaît sœur Agnès.

Un mode de vie inchangé, mais des pertes financières

Mais revenons à la crise sanitaire… La vie monastique a-t-elle été chamboulée ? « Notre mode de vie n’a pas changé, répond la moniale. Entre nous, pas de gestes barrières puisque le confinement est notre quotidien. En revanche, précise-t-elle, nous ne pouvons plus accueillir les enfants le mercredi. Pour le moment, nous ne rendons plus visite à nos aînés dans les maisons de retraite et nous ne recevons plus de public. De fait, notre boutique – où l’on vend nos créations artisanales – et les commandes passées auprès de notre atelier couture sont à l’arrêt. Les pertes financières sont réelles, mais… »

Sœur Agnès lève la main. « Ce n’est rien. Comparé à toutes ces pertes humaines, ce n’est rien, vraiment ! »

15.000 masques cousus main

Durant les deux mois de confinement, l’atelier couture des petites sœurs de la Consolation s’est transformé en véritable ruche. « Il y avait ici pas moins de douze sœurs, parfois quinze, qui travaillaient sans discontinuer de 9h30 à 12 h et de 14h30 à 18h30, relève sœur Sophie. Et ce, sept jours sur sept. Les prières étaient diffusées via un lecteur audio. Et nous prions encore beaucoup Notre-Dame-du-Peuple, qui a épargné Draguignan de l’épidémie de peste au XVIe siècle. Nous avons cessé la production d’ornements liturgiques, les reprises de nos propres vêtements et nous n’avons pu honorer les commandes, de chasubles notamment. Nous nous sommes exclusivement consacrées à cela. »

Un travail fructueux puisque 15.000 masques ont été fabriqués, et bénis tous les matins par l’aumônier, avant d’être distribués dans leur intégralité aux Dracénois.


Quelques anecdotes…

Il y a vingt-cinq petites sœurs de la Consolation à Draguignan. La plus âgée a 74 ans et la plus jeune, 25 ans. Celles-ci peuvent sortir du monastère, mais sur autorisation préalable de la prieure, supérieure hiérarchique. , s’exclame sœur Sophie. Une autorisation orale suffit. Loin d’être une privation de liberté, cela nous permet de ne pas céder à des caprices inutiles. »

Les sœurs n’allument la télévision que deux fois par an, pour les messes de Pâques et de Noël. Elles n’ont pas de téléphone portable, et seules les deux sœurs affectées aux tâches administratives ont accès à Internet. « Ce n’est pas une volonté de se couper du monde, mais plutôt de ne pas rester scotchées devant un écran. Pour nous divertir, nous avons les parties de cartes, le ping-pong, les instruments de musique ou encore les balades. »

Publié le 27.05.2020.

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