La liturgie, lieu de l’unité.

Un article de la presse catholique sur la liturgie aujourd’hui.

Avec l’aimable autorisation de la rédaction de l’hebdomadaire « Famille Chrétienne », nous vous proposons ci-après un article paru dans le n° 1791 (du 12 au 18 mai 2012) sous la signature d’Emmanuel Pellat. Vous pouvez également accéder à l’édition originale au format pdf par le module téléchargement en bas de page.


LA LITURGIE, LIEU DE L’UNITE

En donnant aux paroisses la possibilité de célébrer dans les deux formes du rite romain, Benoît XVI a refait de la liturgie un lieu d’unité pour l’Eglise.
A condition d’en redécouvrir le sens et la beauté. Enquête.

Par Emmanuel Pellat[[Emmanuel Pellat est journaliste reporter chez « Famille Chrétienne » depuis 2006.]].

«Moi, j’aime la messe! Parce que c’est beau et que je m’y sens bien.» lance Augustin, 7 ans.

Servant de messe depuis peu, il n’aime pas que tremper ses doigts dans la cire fondue à la fin de l’office divin. «Comme beaucoup d’autres jeunes garçons, il « touche du coeur » quelque chose de ce qu’est Dieu, explique le curé de sa paroisse.Car des servants de messe aux moines cloîtrés, en passant par les simples fidèles, que venons-nous chercher lorsque nous participons à une liturgie, si ce n’est ce quelque chose de divin ?»

La liturgie est ce lieu de la rencontre avec Dieu. Comme autrefois existait dans Jérusalem, le saint des saints dans lequel seul le chef des grands prêtres pouvait entrer une fois par an, la liturgie de l’Eglise catholique est ce lieu de « contact » avec Dieu, de rencontre avec le Tout-Autre.

« Le sommet vers lequel tend l’action de l’Eglise, et en même temps la source d’où provient sa force de vie » précise le Catéchisme de l’Eglise Catholique. Et ce dernier d’expliquer la raison de cette importance fondamentale :  » Par la liturgie, le Christ continue dans son Eglise, avec elle et par elle, l’oeuvre de notre rédemption. » Une expression illustre cette importance :  » Lex credendi, lex orandi  » (  » la loi de la prière c’est la loi de la foi. « ) Ou encore :  » Dis-moi comment tu pries, je te dirai comment tu croies.  »

Benoît XVI lui-même ne dit pas autre chose lorsqu’il explique que c’est «  dans le rapport qu’on entretient avec la liturgie que se décide le destin de la foi et de l’Eglise. » Rien que cela !

Après une telle affirmation, on comprend mieux les tensions et les conflits dont la liturgie fait souvent l’objet.Bien que conscient de toutes ces difficultés, le pape n’a de cesse depuis son élection de « recadrer » la liturgie de l’Eglise catholique latine, de la rendre plus belle et plus conforme au mystère qu’elle exprime. A lorigine de ce désir, une mauvaise interprétation du concile Vatican II qui aurait laissé
ouverte la porte à des évolutions bradant trop largement le passé.

Deux formes, deux richesses pour un même rite.

Mgr Guido Marini, maître des célébrations liturgiques pontificales,
auteur de La Liturgie – Mystère de salut ( Ed Artège, janvier 2°11 ), assure :
«Il est urgent de réaffirmer l' »authentique » esprit de la liturgie tel qu’il est présent dans la tradition ininterrompue de l’Eglise et dont témoigne, en continuité avec le passé, le plus récent magistère qui va du concile Vatican II à Benoît XVI.» Néammoins, celui qui assiste le pape en matière de liturgie, précise que l’essentiel est ailleurs : «La vraie liturgie est la liturgie de l’Esprit»…

Une « liturgie de l’Esprit » qui, rien que pour l’Eglise latine, peut désormais prendre deux formes :

l’une dite « ordinaire », l’autre « extraordinaire ».

Et ce, particulièrement depuis la publication, le 7 juillet 2007, du motu proprio Summorum Pontificum. Deux formes, deux richesses pour un même rite.

A Paris, une paroisse a été choisie pour servir de pilote en matière de « bi-ritualisme » : la paroisse Sainte-Jeanne -de-Chantal (XVI°). Au dire de Cédric Chalret du Rieu, membre du conseil pastoral et sensibilité liturgique traditionnelle, « la cohabitation des deux formes liturgiques ne pose aucun problème. Au contraire. Certains paroissiens dits « tradis » qui ne mettaient plus les pieds dans leur église paroissiale commencent à y revenir, et quelques paroissiens « classiques » viennent participer à la  » messe dos au peuple » comme on l’appelle aussi».

Le vicaire de cette paroisse, le Père Durodier, ne dit pas autre chose, mais remarque tout de même que la bascule se fait plus facilement dans un sens que dans l’autre : les fidèles qui assistent à la messe selon le rite tridentin sont très attachés à cette forme liturgique.

Pour que les choses se passent le plus paisiblement possible, le curé a tenu à ce que les deux formes soient dites par des prêtres de la paroisse.

«Aussi, pour apprendre à dire la messe dans le rite de saint Pie V, je suis allé me former auprès des moines de l’abbaye de Fontgombault, raconte le Père Durodier.
Et je dois reconnaître que je trouve bien des richesses à cette forme.

Elle a notamment la vertu de remettre les fidèles devant la forme mystérique de la sainte Cène et de souligner le rôle principal du prêtre qui, tel Moîse conduisant le peuple hébreu vers la Terre Promise, est le berger du troupeau.»

Dans la paroisse de Villemomble en Seine-Saint-Denis, banlieue dite « chaude » de la région parisienne, le Père Sempré, son curé, a également introduit la forme extraordinaire.

«Pour l’instant, il s’agit seulement d’une messe le samedi matin à laquelle il n’y a pas foule, mais qui attire des gens qui n’avaient plus l’habitude de venir sur la paroisse.

Jusqu’à certains fidèles de Saint-Nicolas-du-Chardonnet (Paris v°). J’avoue avoir moi-même découvert des richesses dans la messe sous la forme extraordinaire : peut-être un plus grand sens de la verticalité, quand la forme ordinaire soulignerait davantage son horizontalité

Ainsi la messe tridentine mettrait davantage l’accent sur la grandeur ineffable de Dieu et la dimension sacrificielle de l’eucharistie, quand le Missel de Paul VI manifesterait plus la proximité de Dieu et la dimension communautaire de l’eucharistie.

«Je remarque en tous cas que les scouts que j’accompagne sont assez sensibles à la forme extraordinaire, remarque le Père Durodier. Ils aiment sa dimension un peu initiatique et ce, d’autant plus qu’ils sont vierges de tous les conflits ecclésiaux et idéologiques qu’a pu cristalliser cette messe.»

La messe tridentine, nouveau moyen d’évangélisation ?

De fait, la liturgie possède une dimension charnelle trop souvent écartée.
 » Comme dans la rencontre avec une personne, la forme a son importance !« , lance Grégory Solari, protestant d’origine qui avoue volontiers « être devenu catholique » par le biais du rite tridentin.

Pour l’auteur des « Raisons de la liturgie » (Ed de l’Oeuvre, mai 2009), «la forme dit le fond, le fond dit la forme. Dans la liturgie, beauté et vérité sont censées ne faire qu’un. La foi n’est pas que de l’ordre du rationnel, c’est une expérience qui engage tout l’être. Le fidèle est appelé à devenir ce qu’il contemple et ce à quoi il participe. Encore faut-il que la liturgie donne envie de répondre à cet appel.»

La liturgie, lieu où l’homme est appelé à se tourner vers Dieu.

Pour autant Grégory Solari tient à préciser : » La beauté de la liturgie ne tient pas seulement à l’esthétique. Une messe célébrée avec une grande intériorité devant une assemblée fervente sera toujours plus belle qu’une messe pleine d’encens et de choristes. » Attention donc au formalisme ! Car la liturgie doit avant tout être l’expression d’un dialogue amoureux entre le Christ et son Eglise.

En proposant que la messe soit enrichie de plusieurs lectures, en introduisant la langue vernaculaire, en favorisant les acclamations du peuple, les réponses, le chant des Psaumes, les antiennes, l’Eglise a voulu favoriser ce dialogue. «La Mère Eglise désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine,consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui, en vertu de son baptême, est un droit et un devoir pour le peuple chrétien « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté »», explique ainsi le Concile dans sa constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium (1963).

Et c’est aussi pour cela, à la condition que «soit sauvegardée l’unité substantielle du rite romain », que le Concile accepta que soient admises «des différences légitimes et des adaptations à la diversité des assemblées, des régions,
des peuples, surtout dans les missions, même lorsqu’on révisera les livres liturgiques
.» Tout cela pour rejoindre l’homme, où qu’il soit et quelle que soit sa culture, pour l’amener à entrer en relation avec Dieu et à cultiver cette relation.

« Quels que soient les débats que cristallise la liturgie, il est une chose fondamentale : dans cette respiration de l’âme qu’est la liturgie, c’est Dieu qui a l’initiative ! conclut Grégory Solari. Personne n’est propriétaire de la liturgie et le prêtre comme le fidèle doivent apprendre à s’effacer devant ce mystère. Toute vie liturgie appelle avant tout un acte profond d’humilité... » La liturgie est ce lieu où l’homme apprend à se tourner vers Dieu plus que vers soi-même.



Un prélude à la vie future

 » La liturgie et le jeu ont tous deux leurs règles, bâtissent leur réalité à laquelle sont associés tous les participants aussi longtemps que dure le ‘jeu ». Tout en ayant un sens, ils relèvent de la gratuité et possèdent ainsi une vertu thérapeutique, voire libératrice. L’un et l’autre nous sortent d’un univers centré sur l’efficacité et les résultats, pour nous ouvrir à un monde sans autre finalité que lui-même.

Nous arrachant pendant quelques instants aux préoccupations de notre vie,
ils nous proposent un ailleurs, une oasis de liberté, où il nous est permis un bref instant, de laisser sans pression et sans contrainte couler notre existence –
une évasion bienvenue de notre quotidien et de son poids.(…)

Par maints côtés ( l’activité du jeu ) apparaît comme une anticipation, un exercice préparatoire à la vie adulte, sans le poids ni la gravité de celle-ci (…)

La liturgie, elle aussi est un exercice préparatoire, mais d’une nature particulière de par l’objet de son anticipation : elle est le prélude à la vie future, à la vie éternelle, dont saint Augustin disait qu’elle n’était plus faite, telle notre vie ici-bas, de besoins et de nécessités, mais de la liberté de l’offrande et du don.

La liturgie en suscitant en nous un authentique esprit d’enfance, une réceptivité à cette grandeur à venir qui n’est pas accomplie dans la vie adulte, serait la forme concrète de l’espérance qui, par anticipation, vit déjà la vie véritable -vie de liberté, d’union intime avec Dieu et d’ouverture à l’autre.

Elle marquerait ainsi notre existence quotidienne, en apparence si « réelle », du signe annonciateur de notre future liberté et, traversant nos barrières et nos contraintes, ferait déjà briller la lumière du Ciel sur la terre. »

Extrait de L’Esprit de la Liturgie, par Joseph Ratzinger Ad Solem, 2002


Publié le 16.06.2012.

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