La Joie de la Mission ( Partie 1/3)

Conférence du père Frédéric Forel – Paroisse Saint-Cyprien -Toulon –


CONFERENCE DU PERE FREDERIC FOREL

CURE DE LA PAROISSE SAINT CYPRIEN – TOULON –

La joie de la mission…….. Partie 1/3 ………

D’ores et déjà, pour orienter clairement le sens du mot « joie » dans une perspective missionnaire, je vous cite deux références bibliques.

D’abord, dans le 1er chapitre de la 1ère lettre de St Jean :
« Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. Quant à notre communion, elle est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Tout ceci, nous vous l’écrivons pour que notre joie soit complète » 1 Jn 1, 3-4

Puis une 2nde citation, de Jésus lui-même, dans l’Évangile selon St Jean cette fois :
« Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure en son amour. Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète » Jn 15, 10-11

Dans les deux citations, il est question d’une ‘joie complète’. Que signifie cela ? En théologie, la joie est une disposition de l’âme qui est le résultat de l’expérience d’un accord harmonieux des éléments multiples de l’existence humaine. La joie parfaite, la joie complète, trouve son point culminant dans l’œuvre d’amour du Créateur. Le Père révèle son Fils comme la raison et le fondement de la Création, et ordonne celle-ci à celui-là. La joie devient ainsi joie en Dieu et joie du salut. (K. Rahner, Petit Dictionnaire Catholique, p 242)

Exprimé d’une autre manière, notre vocation, c’est l’amour : Aimer comme Dieu aime ! Et cela engendre la joie. Cette joie n’est pas recherchée pour elle-même ; ce serait le meilleur moyen de ne pas la trouver. Si nous cherchons le bonheur, il y a peu de chances que nous le trouvions. Ce qu’il faut chercher, c’est l’amour. La conséquence de l’amour, c’est la joie. Thérèse de l’Enfant Jésus ne dira pas autre chose dans l’une de ses poésies : « L’Amour, ce feu de la Patrie, ne cesse de me consumer. Que me font la mort ou la vie ? Jésus, ma joie, c’est de t’aimer ! » PN 45, 7

Mais puisque nous avons commencé ce propos sur la joie avec St Jean, je vous invite à revenir un instant au 4ème Evangile, à partir du récit de la 1ère apparition du Ressuscité aux disciples. Ceci, pour découvrir que le Christ seul peut faire naître en nos cœurs la joie de la mission.
Écoutons Jean 20, 19-21 :

« Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous ! » Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ».

La Paix, la Joie, la Mission : ces trois mots-clés sont ici résumés, un véritable condensé de la vie spirituelle. Reprenons maintenant ce récit de l’apparition de Jésus aux apôtres, les onze qui restent, et allons en ‘eaux profondes’ de ce texte.

Pour cela, suivons la méthode de St Ignace de Loyola et de ses célèbres Exercices Spirituels : Voir le lieu – Voir les personnages – Regarder, observer et contempler ce qu’ils disent et ce qu’ils font.
Oui, entrons dans le Cénacle, cette grande pièce, témoin matériel du dernier repas du Christ avec ses disciples. Les accès à cette salle sont fermés, verrouillés, comme le cœur des apôtres d’ailleurs…
Que pensent-ils ? Que disent-ils ? Que font-ils ces onze hommes comme emprisonnés en eux-mêmes depuis Gethsémani et l’arrestation de leur Maître ?

Nous pouvons découvrir en leur cœur, trois sentiments, trois blessures :

Ils sont inconsolables de la mort de leur Seigneur. Pendant trois ans, ils l’ont accompagné, écouté, interrogé, observé, admiré puis, tout est fini, achevé sur la Croix. Rien ne sera plus comme avant. Leurs illusions, leur projet de vie de disciples du Maître sont définitivement éteints.

Un autre sentiment, facile à deviner, c’est la honte. Se sentir coupable de l’avoir abandonné au moment de son arrestation. Jésus s’est retrouvé seul, à la merci de ses ennemis. Tous les disciples ont fui, Pierre le premier jusqu’à le renié. Quelle amertume d’eux-mêmes doivent-ils ressentir : culpabilité, lâcheté, honte doivent submerger leur cœur et leur esprit.

Enfin, bien évidemment, avec la tristesse et la honte, c’est la peur, l’angoisse des représailles de la part des Juifs. Maintenant que le Chef a été réduit au silence, poursuivons, trouvons et finissons-en avec ses adeptes, avec ses suiveurs. D’où les portes closes…

Mais rien n’est impossible à Dieu ! « Jésus vint » nous rapporte Jean, témoin direct de l’évènement, il se tint au milieu d’eux et leur dit : « Paix à vous ! » Si les disciples pouvaient encore douter, être effrayés et penser à un fantôme, Jésus leur montra ses mains et son côté. C’est alors qu’ils « furent remplis de joie à la vue du Seigneur ».
Rien ne pourra par la suite leur ravir cette joie toute surnaturelle.
L’Esprit de Pentecôte viendra fortifier, décupler cette joie pour l’évangélisation.

Dans son message de Carême, le Saint-Père fera ce commentaire qui vient tout à fait à propos : « L’Église est par nature missionnaire, et elle n’est pas repliée sur elle-même, mais envoyée à tous les hommes (…). La mission est ce que l’amour ne peut pas taire ».

Je pense que c’est bien l’expérience profonde vécue par les apôtres au Cénacle avec l’apparition de Jésus ressuscité : à partir de là, leur mission va être d’annoncer à temps et à contretemps l’amour de Jésus, qui avait véritablement ressuscité leur cœur engourdit dans les ténèbres de la douleur et de la peur.
Oui, pour nous aussi c’est une réalité si nous prenons conscience de ces paroles du Pape : la mission est ce que l’amour ne peut pas taire !

Puisque nous parlons du Pape François, voyons ce qu’il nous dit de la joie de la mission. A l’écouter, à le lire depuis deux ans qu’il a succédé au Pape émérite Benoît XVI, nous voyons bien que pour lui, la joie de l’Évangile est synonyme de la joie de la mission comme de la joie de servir. C’est ce que disait Joe Croissant : « La joie du don, telle qu’on peut la voir portée à son sommet chez Mère Teresa, s’enracine dans un oubli total de soi ».

Précisément, la joie du don, l’oubli total de soi, sont des dispositions du cœur, une disponibilité à la Volonté de Dieu dans une existence humaine, vécues par le Pape François à un degré que l’on ne peut soupçonner. Et je doute fort que les médias, chrétiens ou pas, l’aient relevé en Occident.

A titre personnel, j’étais encore en Argentine en Mars 2013, et j’ai écouté sur place des témoignages de proches de celui qui était encore le Cardinal Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires. Il y a des éléments qui peuvent nous faire réfléchir car nous découvrons que ce qu’il enseigne, il l’a vécu dans sa propre chair.

Par exemple, il a quitté vers les 22-23 Février de cette année 2013, sa terre natale alors en plein été, avec une simple valise contenant quelques effets personnels pour le temps du Conclave. Aux journalistes argentins, il était confiant que ce moment historique dévoilerait sans tarder le successeur du Pape allemand. Lui-même, comme me le commentèrent ensuite des prêtres de la capitale argentine, préparait son départ de l’archevêché qu’il occupait depuis 1992, d’abord comme évêque auxiliaire et, à partir de 1997, comme archevêque. Il avait en effet largement dépassé les 75 ans.

Comme le demande le Code de Droit Canonique, le Cardinal Bergoglio avait envoyé au Pape Benoit XVI pour le 17 Décembre 2011, jour de ses 75 ans, sa lettre de démission du siège épiscopal de Buenos Aires, Primat d’Argentine. Après, bien entendu, la démission est acceptée par le Saint-Père, à une date inconnue par celui qui la demande. Le Cardinal, me disait-on, préparait donc peu à peu son départ depuis 15 mois qu’il avait présenté sa démission:
• Pour le logement ? Un simple appartement de la grande maison du clergé située juste à côté de la basilique mineure Saint Joseph du quartier de Las Flores, quartier de la capitale autrefois populaire où il est né en 1936.
• Pour les activités du nouveau cardinal émérite ? Il avait prévu d’aller souvent aider à confesser à Notre Dame de Lujan à 70 km de là, le plus grand sanctuaire marial d’Argentine, le Lourdes argentin en quelque sorte. Donner aussi quelques conférences ici ou là, écrire l’un ou l’autre article et, sans aucun doute, continuer à visiter les familles les plus défavorisées des quartiers pauvres de la ville, appelés par des numéros : la ‘Villa Miseria 31’ par exemple.


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Publié le 24.03.2015.

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