Joseph : le docteur du silence

« Entre toutes les vocations, j’en remarque deux dans les Ecritures, qui semblent directement opposées : la première celle des apôtres. La seconde, celle de Joseph. Jésus est révélé aux apôtres. Jésus est révélé à Joseph, mais avec des conditions bien contraires. Il est révélé aux apôtres pour l’annoncer par tout l’univers. Il est révélé à Joseph pour le taire et pour le cacher. Les apôtres sont des lumières pour faire voir Jésus-Christ au monde. Joseph est un voile pour le couvrir, et sous ce voile mystérieux, on nous cache la virginité de Marie et la grandeur du Sauveur des âmes. »


C’est ainsi que Bossuet, dans ses célèbres Sermons, évoquait la personnalité de Joseph dont nous célébrons aujourd’hui la fête. Les Pères de l’Eglise l’appellent : « le docteur du silence ». Zundel : « le géant du silence ».

Notre culture qui promeut la distraction et la dispersion de soi dans l’agitation et l’éparpillement, signerait-elle la fin du silence ? Société de bruit et de bavardage, incapable de se taire.

Beaucoup de psychologues et d’éducateurs relèvent combien chez les jeunes, l’extinction du recueillement qu’engendre le silence, provoque des troubles de concentration intellectuelle, des difficultés pour mémoriser ou pour élaborer des sentiments qui dépassent le stade archaïque et pulsionnel. Le besoin d’écouter sans cesse de la musique, de regarder la TV, de surfer sur internet par peur d’être seul, caractérisent cette gigantesque fuite en avant, exploitée, médiatisée.
Un proverbe soufi nous rappelle quelque chose d’essentiel : « Si le mot que tu vas prononcer n’est pas plus beau que le silence que tu vas quitter, ne le dis pas ! »

Oui, le silence est requis pour trouver en son espace, son identité profonde, rassembler sa pensée propre, hériter de soi, prendre de la distance, donner du relief, mettre de l’épaisseur à ce que l’on a dit ou à ce que l’on s’épargne de dire.

Mais pour susciter et habiter le silence, il nous faut un maître. Telle est la mission de Joseph. Il a exercé cette mission d’abord vis-à-vis de Marie.

Marie et Joseph, c’est la rencontre de deux silences. Pensons à l’épisode que relate saint Matthieu au début de son évangile. Il nous fait revivre, avec sobriété, ce grand drame d’amour entre ces deux êtres que l’affection naturelle a réunis.

Apprenant que Marie est enceinte, par délicatesse et par respect, comme pour se retirer face au projet de Dieu sur sa fiancée, Joseph prend le parti héroïque du silence. Il protègera la réputation de celle pour laquelle il n’a aucun soupçon. Il ne posera aucune question. Il renverra Marie en secret à sa famille, pour ne pas la diffamer.

Marie, elle aussi, se tait. Elle ne se justifie pas vis-à-vis de Joseph. Car ce qui est accompli en elle, dans son cœur et dans sa chair, est aussi le secret de Dieu. C’est le Seigneur qui l’a engagée dans cette voie exceptionnelle. Ce que l’Esprit a semé en elle, ne lui appartient pas.
Joseph, Marie. Deux silences affrontés, infinis, mais qui circulent l’un dans l’autre par leur chasteté, dans leur prière, dans leurs regards. Deux silences faits de confiance et de renonciation, et dont le Seigneur connaît l’issue puisqu’ils vont se confondre et s’unir dans l’adoration de cet enfant miraculeux, que Dieu leur confie.

Le silence de Joseph est plein d’amour pour Marie.

Le silence de Joseph va également recouvrir la vie cachée de Jésus à Nazareth. Grâce à ce silence, Jésus a été protégé. C’est dans ce silence qu’il a grandi dans son humanité, inconnu de ses proches et de sa parenté. Ce fut son milieu nourricier, sa patrie.

Le silence de Joseph, cet homme juste et sage, est plus éloquent que toutes les paroles. Il est mystère de pauvreté pour accueillir le Verbe, la Parole faite chair.

Il est mystère de consentement, en acceptant humblement le projet de Dieu qui nous dépasse. Joseph reçoit en songe l’ordre divin de prendre Marie pour femme, d’aller en Egypte puis d’en revenir. Il s’exécute sans mot dire.

Le silence de Joseph est sacrificiel.

En silence, Joseph renonce à toute recherche de soi, pour s’abandonner sans réserve au dessein de Dieu. Son silence est le lieu de son offrande.
Ce parti pris du silence traversera toute la vie de Joseph. Ses lèvres sont scellées pour toujours, jusqu’à sa mort.

Un tel silence ne se justifie que parce qu’il est présence. Se situer en soi, s’y rassembler, s’isoler des agitations mondaines, s’unifier intérieurement… n’est jamais un retour sur soi, mais un retour « à » soi. Cela suppose que l’intimité soit habitée par une présence qui, tout à la fois nous porte et nous excède. Présence sans bruit.
Certes, le silence de Joseph est un certain « quant-à-soi », une solitude recueillie, mais toujours ouverte, totalement disponible à autrui. Une précaution, disait Jean de la Croix. « Le silence n’est pas l’amour, mais une précaution pour l’amour ».
Jésus, Marie, Joseph, cette trinité humaine a été durant 30 ans une immersion dans le silence de l’amour. L’espace vital indispensable à la croissance humaine de Jésus, à son déploiement dans l’histoire des hommes avant qu’il ne leur adresse la parole dans sa vie publique.

« Que dites-vous à Jésus ? » demandait-on à Thérèse de Lisieux. Et elle, de répondre : « Je ne dis rien. Je l’aime ! »

Au contact quotidien de la plénitude de l’amour de Dieu manifesté en son Fils, le silence de Joseph ne pouvait qu’être écoute, qu’attention, qu’émerveillement, qu’une liberté rejointe par la providence divine, que théologale, c’est-à-dire remplie de foi, d’espérance et de charité.
Chers frères et sœurs, Joseph nous initie à la ferveur du silence. Dans le premier livre des Rois, au chap. 1.9, le prophète Elie s’enfuit au désert. Il se réfugie dans l’Horeb, la montagne de Dieu, dans une caverne pour y passer la nuit. Le Seigneur se manifeste alors à lui. Il y eut un vent fort qui déchirait les rochers. Mais le Seigneur n’était pas dans cet ouragan. Il y eut ensuite un tremblement de terre. Mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Il y eut encore un feu. Mais le Seigneur n’était pas dans le feu. Enfin, si l’on serre de près le texte hébreu, il y eut « la voix du silence ». Alors, poursuit le récit, « Elie l’entendit. Il s’enveloppa le visage de son manteau. Il sortit et se tint à l’entrée de la caverne ». Le prophète découvre alors que le silence lui parle et qu’il signifie le passage de Dieu.

La voix du silence, Joseph nous convie à l’entendre, à l’épouser, car en elle, Dieu nous parle.

+ Dominique Rey
19 mars 2009

Publié le 20.03.2009

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