Homélie prononcée à l’occasion du diaconat d’Olivier de Boisgelin et Jean-Louis Bonicel
Homélie prononcée à l’occasion du diaconat d’Olivier de Boisgelin et Jean-Louis Bonicel
Basilique de St Maximin, le 24 novembre 2002
Chers frères et sœurs,
Chers Olivier et Jean-Louis,
Nous voici réunis en cette vénérable basilique, non pour une distribution de médailles mais l’apposition d’une croix.
Celle qu’à l’appel du Christ, Olivier et Jean-Louis, vous allez recevoir de Lui pour devenir à sa suite serviteur de vos frères, diacres de son Eglise.
Au jour de votre baptême, vous avez déjà reçu la Croix du Christ. Elle a marqué votre front. Elle est pour vous le signe distinctif du chrétien saisi par le Christ, au point de mourir avec Lui pour renaître en Lui.
Mais au jour d’aujourd’hui, vous allez recevoir une autre croix, la croix de vos frères, ou plus exactement, vous allez recevoir le don de vos frères crucifiés en leur humanité. Ceux dont parle l’Evangile du jugement dernier. « j’avais faim, j’avais soif, j’étais nu, j’étais malade, j’étais un étranger…. » Et c’est au pied de cette humanité insultée, rejetée, défigurée, que vous êtes appelés à reproduire le geste de Jésus au début de la Cène. « Je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir et donner ma vie en rançon pour la multitude ».
Vous voici consacrés au service de ceux qui sont privés de Vérité, du Pain de Vie et de son intégrité. Consacrés au service des droits de l’homme, droit à la vie de Dieu, droit de le connaître, droit de l’aimer et de le faire aimer, droit de le servir en servant vos frères. Consacrés à vous agenouiller aux pieds de ceux auxquels Jésus en sa Passion s’est lui-même identifié sans limite et sans restriction.
Cette consécration prend toute votre vie jusqu’en votre chair, jusqu’en vos désirs, et tout votre temps. Mais rassurez-vous ! Surtout rassurez vos épouses et vos enfants ! Cette consécration ne devra pas se vivre au détriment de la vie familiale et de l’équilibre personnel. Les pères du désert rapportent cette réplique d’un Ancien : un jeune lui demandait : « Abba, pourquoi l’Eglise appelle-t-elle « saint » l’état conjugal ? L’Ancien de répondre : « Parce qu’on y compte beaucoup de martyrs »
Votre sanctification ne se trouvera pas de ce côté-là : en dormant un peu moins, en rentrant toujours plus tard, en négligeant vos responsabilités parentales et conjugales, professionnelles, mais à l’intérieur des contours, des exigences de votre vie personnelle et de famille, afin d’y signifier l’agenouillement du Christ et son lavement des pieds.
Le texte de l’Evangile de ce jour du Christ Roi de l’univers, parle d’un horizon qui borde la vie de l’Eglise et l’histoire de nos sociétés. Cet horizon, c’est le jugement final. Son échéance est imprécise mais l’événement est donné comme une certitude. « Au bout de la liberté, il y a une sentence » disait Albert Camus (qui n’était pourtant pas un Père de l’Eglise). Cette sentence est à la fois une éclatante révélation du mystère caché de la vie, de son sens et de sa finalité, et d’autre part un cri. Nous serons jugés par notre diaconie. Car paradoxalement, le Christ apparaît dans cette scène grandiose, à la fois sous les traits du juge et de l’humilié.
« Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». La diaconie est l’instance de vérification du regard que l’on a su apporter ou que l’on a négligé. « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim, soif, être nu, étranger, malade, en prison… ? » Le tri se fait à partir des yeux. Des yeux trop purs pour que le mal n’en corrompe l’innocence, des yeux suffisamment sensibles pour que tout malheur nous réveille de l’indifférence.
Telle est la première fonction du diacre : l’ophtalmologue de la communauté. Celui qui dessille nos yeux exorbités par les artifices du monde ou clos sur le souci excessif et égoïste de soi.
Le diacre nous apprend à discerner, à accommoder notre vue à la présence voilée de celui qui a voulu se tenir et se cacher dans les failles, les replis et les fractures de l’humanité. La solidarité de Jésus avec les « tout-petits » est telle que le comportement adopté à l’égard de l’un d’entre eux atteint Jésus lui-même comme le Fils de l’homme . « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi…… »
Le diacre est le garant de cette solidarité sans frontière. Il rappelle à la communauté, à laquelle il est envoyé, que le Ressuscité a son « corps » en agonie et ce corps mystique qui est l’Eglise et qui est aussi l’humanité appelée à le rejoindre, ce corps a besoin d’être visité, nourri , accueilli … pour entrer dans la Pâque du Christ, dans la salle des noces pour une Alliance éternelle.
Rappelez-vous Olivier et Jean-Louis, que cette éducation du regard mobilise deux yeux, discrète allusion à la place que devra prendre particulièrement à vos côtés, chacune de vos épouses.
Le diacre prépare ses frères et sœurs dans leur foi au jugement de Dieu lorsqu’ éclatera la vérité de nos existences. Il est l’actualité de ce jugement. Son ministère interpelle notre souci de l’autre, la désappropriation de notre vie au profit de celui qui réclame notre regard pour exister, notre main pour se lever, notre bouche pour s’exprimer, notre foi pour croire à son tour, notre espérance pour concevoir un avenir. Le diacre est le prophète d’une nouvelle fraternité où les relations de pouvoir, de manipulation, auront disparu, et où l’échange sera unilatéral puisqu’il reposera sur la joie du don. Le diacre est la preuve vivante que ce monde est possible, déjà à l’œuvre.
Le diacre est le témoin d’une justice livrée à la miséricorde lorsqu’il nous faudra rendre compte (de notre compassion active et désintéressée) qu’en soignant et en consolant le tout petit, on trouve le Christ lui-même.
Dans le récit de l’Evangile de St Matthieu, une question retentit dans la bouche des acteurs du drame « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…. » Le diacre porte dans sa vie et dans son ministère (dans son ministère qui est sa vie) cette interrogation lancinante. Sa mission spécifique est de porter jusqu’à nos oreilles cette interrogation et de nous apprendre à la porter en Eglise. Nous apprendre à relire, à discerner, à investir ces situations limites où l’humanité est privée de Dieu, de sa dignité d’enfant de Dieu, et de l’espérance du salut. Au sein de la communauté chrétienne, il donne au petit un droit sur soi, le droit de juger de l’authenticité et de l’universalité de notre charité.
C’est aussi en leur nom que vous ordonne, pour que vous soyez leur cri, leur appel et qu’auprès d’eux, vous soyez la réponse, à leur égard, de notre amour et du don de notre vie.
+ Dominique Rey
Publié le 03.12.2002.
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