Trois invitations qui résument le ministère de prêtre
Homélie de la messe chrismale
12 avril 2017
Cathédrale de Toulon
Chers frères et sœurs,
Cette semaine sainte est l’occasion pour chacun d’entre nous de revenir aux fondamentaux de notre vie chrétienne, puisque celle-ci repose sur la mort et la résurrection du Christ, que nous célébrons au cours du Triduum pascal.
Au centre de cette célébration, les prêtres vont renouveler leurs engagements sacerdotaux, redire « oui » à l’appel du Seigneur et de l’Église. Ce « oui » qu’ils ont prononcé au jour de leur ordination. Ce « oui » qui traduit leur volonté de re-choisir leur sacerdoce devant vous tous, pour vous tous.
Les diacres seront associés à ce geste, en ré-assumant leur ministère à la suite du Christ serviteur, qui s’est fait pauvre pour rejoindre dans sa Charité toutes les pauvretés du monde, et y apporter l’évangile du Salut.
Trois expressions caractérisent la vie et le ministère du prêtre. Trois expressions que nous prononçons au nom du Christ, et qui introduisent la liturgie eucharistique. Trois expressions qui appellent la réponse de l’assemblée pour qu’elle se constitue en corps du Christ.
1. La première expression est : « Le seigneur soit avec vous ». Je me souviendrai toute ma vie de ces mots, « Le seigneur soit avec vous », prononcés par un jeune pâtre que je croisais sur une route perdue du Nord Cameroun. J’étais alors laïc, jeune coopérant, et au cours d’une escapade avec quelques amis, pour faire un safari dans la brousse, cherchant ma route, et je questionnais, depuis ma voiture, cet humble berger pour qu’il m’indique le chemin. Il termina son explication par ces quelques mots : « Et que le Seigneur soit avec vous ». Cet homme que je voyais pour la première et dernière fois, me délivra, sans s’en rendre compte, une parole de vie, que je reçus alors comme une présence de Dieu à un instant précis de ma vie où je me posais beaucoup de questions sur l’orientation non seulement de mon safari mais plus profondément de mon existence.
« Le Seigneur soit avec vous » Notre mission de prêtre est de rappeler, de proclamer, de signifier la proximité de Dieu, d’un Dieu qui s’était fait homme. Tant de nos contemporains, plongés dans l’éclipse de Dieu, le pensent loin de nous, absent, indifférent.
Signifier cette présence, cette actualité de Dieu (sa contemporanéité) passe par des gestes et des paroles, les actes sacramentels que le prêtre pose chaque jour, au nom du Christ.
Mais le prêtre doit aussi signifier par sa vie, par sa manière de vivre, cette réalité de Dieu, cette présence de Dieu. C’est une question de cohérence, de crédibilité, de fécondité aussi. Nous savons l’impact désastreux du contre-témoignage de prêtres qui ont eu des comportements moraux scandaleux. Ils blessent à jamais non seulement leurs victimes qui étaient autrefois leurs fidèles, mais aussi le corps du Christ.
« Le Seigneur soit avec vous » n’est pas seulement un dire, à enseigner, mais aussi un message à vivre et à faire vivre par un chemin perpétuel de conversion. La séduction du confort qui induit la paresse pastorale, la tentation de l’activisme, où l’on existe que par les œuvres, le repli individualiste, lorsque l’ego devient le centre de gravité de la vie spirituelle… Tels sont les combats de tous les baptisés, et aussi du prêtre en particulier.
2. Il est aussi une autre parole que le prêtre prononce lorsqu’il introduit la préface eucharistique : « Élevons notre cœur ». Comme le dit saint Augustin : « Toute la vie des vrais chrétiens est un « Élevons notre cœur » [car] l’espoir est en Dieu, non en toi ; toi, tu es d’en-bas ; Dieu est en haut. » En Jésus-Christ, Dieu est là, mais Jésus-Christ est aussi l’au-delà du monde. Le monde se lit, se comprend à partir de sa fin, de ce qui l’achève, de ce qui le sauve de sa propre disparition. « Recherchez les réalités d’en-haut, là où se trouve le Christ », clamera l’Apôtre Paul aux chrétiens de Colosse. Les débats (ébats) actuels de notre société engluée dans les polémiques et les dialectiques politiques et idéologiques à courte vue, médiatisés à outrance, oblitèrent si souvent les enjeux de fond de notre temps, qui ne s’apprécient que dans un regard théologal, né d’en haut, qui se pose sur le monde, en nous rappelant d’abord le sens, la dignité et la beauté de la vie humaine dès sa conception jusqu’à sa fin naturelle ; en portant attention au petit, au démuni, au pauvre, à celui qui vit à l’ombre de lui-même, avec cette attention que le Christ porte à chacun, quelles que soient ses fractures, et qui nous rend responsables les uns des autres.
Le regard de foi considère encore la grandeur de la famille, icône de Dieu, de son mystère trinitaire, à partir de laquelle se fonde toute communion ecclésiale, et qui permet à chacun de trouver sa propre identité. Enfin, notre mission est de souligner notre responsabilité face à ceux qui défigurent notre monde par une exploitation abusive et injuste de ses ressources, à ce qui meurtrit l’homme dans la volonté prométhéenne de le reconstruire, et de le recréer en se prenant pour Dieu.
« Elevons notre cœur ». La mission du prêtre est d’être non seulement un pêcheur d’âmes, un semeur de la Bonne Nouvelle, un pasteur du troupeau, un bâtisseur de communauté, mais aussi d’être un cultivateur chargé de faire croître chacun dans le don qu’il a reçu, chargé aussi d’élever la communauté pour qu’elle soit, non seulement fervente, mais rayonnante.
Oui, le prêtre comme éducateur possède l’autorité au sens étymologique du terme, qui signifie faire grandir. Il transmet l’héritage de la Foi dans son intégrité. Mais aussi il accompagne la croissance de chacun.
« Élevons notre coeur. » Oui, face au pessimisme ambiant d’un monde désabusé qui ne sait pas où il va, le prêtre témoigne de l’espérance non seulement pour lui-même, mais pour les autres et le monde. Cette espérance bannit la jalousie que l’on trouve souvent dans le monde clérical. L’espérance nous rend lucides sur le réel, mais à partir de la lumière divine qui le traverse. L’espérance nous invite à mettre en œuvre des dynamismes de transformation missionnaire dans nos communautés.
3. Après « Le Seigneur soit avec vous » et « Élevons notre cœur », le prêtre invite la communauté à l’action de grâce : « Rendons grâce au Seigneur notre Dieu », et l’assemblée de répondre « Cela est juste et bon ».
Rendre grâce, c’est l’eucharistie, fruit de l’arbre de la Croix. À la fois sacrement de la présence réelle de Dieu, et en même temps, gage de la transformation du monde (le pain devenu Corps du Christ, convertit à son tour celui qui le reçoit dans la Foi), l’eucharistie est encore signe de communion. Car c’est le corps eucharistique du Christ qui fonde l’unité du corps ecclésial. L’eucharistie porte enfin le témoignage de l’Espérance eschatologique qui nous habite. Nous sommes tous ensemble réunis dans l’attente du banquet des noces de l’agneau dans la Jérusalem céleste.
Rendre grâce pour ce que Dieu est. Mais aussi rendre grâce pour ce que Dieu fait, fait pour le monde, fait dans nos vies, au lieu de nous lamenter, de nous décourager ou de critiquer autrui. Rendons grâce pour le don du sacerdoce et pour ses ministres.
Je rentre de Syrie, où je conduisais une délégation d’une trentaine de chrétiens du diocèse, prêtres, religieuses et laïcs. Au milieu du chaos, des périls quotidiens et des combats, nous avons vu combien chaque célébration eucharistique était un moment de grâces, de bénédictions, porté par le chant des enfants.
« Rendez grâce » car le Seigneur ne nous abandonnera jamais, et « cela est juste et bon », c’est-à-dire, cela est justice et bénédiction.
L’action de grâce est le lieu de notre communion fraternelle, qui est à la fois symphonique et dynamique (n’en déplaise aux grincheux, aux rebelles et aux éternels donneurs de leçons). La louange jaillit de l’unanimité de notre foi en Dieu qui nous rassemble à partir de nos différences de sensibilités, de trajectoires, de positions sociales.
« Rendez grâce », c’est-à-dire littéralement restituez par votre louange (louange de vos lèvres, mais aussi louange de votre vie, dira S. Augustin), la grâce que Dieu nous offre en son Église.
« Rendez grâce » renvoie à la doxologie, mais aussi à l’évangélisation actuelle que porte l’Église à un monde privé de repères et de sens, mais déjà travaillé du dedans par l’action de l’Esprit Saint dans l’attente de la venue du Christ glorieux.
Conclusion
« Le Seigneur soit avec vous », « Elevons notre cœur », « Rendez grâce » : trois invitations qui résument notre ministère qui doit s’appuyer sur le roc de l’Eglise et la joie de l’Evangile.
Cette année nous fêtons le centenaire des apparitions de Notre-Dame de Fatima. Dans ses messages la Vierge invitait les chrétiens à la conversion et à la pénitence, et à se réfugier dans son cœur immaculé et douloureux.
En vous remerciant, chères frères, dans le sacerdoce pour le don de votre Vie à Dieu, je vous confie à celle qui est notre mère et notre avocate, la servante du Seigneur.
Que le Oui que vous allez prononcer au Seigneur dans quelques instants s’inscrive dans le Fiat sans réserve de Marie et qu’il devienne votre Magnificat.
Publié le 13.04.2017.
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