La fin de vie : un défi éthique collectif

Déclaration du groupe de travail sur la « Fin de vie » de la Conférence des évêques de France, présidé par Mgr Pierre d’Ornellas.

Le mercredi 28 octobre 2015


La proposition de loi concernant la fin de vie arrive en deuxième lecture au Sénat. Elle a suscité de notre part deux prises de parole détaillées auxquelles nous renvoyons : la déclaration « Ne prenons pas le problème à l’envers ! » (20 janvier 2015) ; le livre « Fin de vie, un enjeu de fraternité », Salvator, mars 2015.

Durant le processus législatif, deux situations distinctes, relatives à la vulnérabilité extrême, ont marqué l’opinion : les conflits sur la volonté et sur le bien de M. Vincent Lambert ; les pratiques controversées du Dr Nicolas Bonnemaison sur des patients en agonie. Leur retentissement judiciaire et médiatique a troublé bon nombre de nos concitoyens. Ces « affaires » montrent une fois de plus que notre société doit encore apprendre comment vivre avec les personnes d’extrême fragilité, en particulier nos anciens en fin de vie. De quelle manière mieux prendre soin d’eux ? Il nous faut inventer un vivre ensemble qui les intègre pleinement, de façon respectueuse et attentionnée, car aucune vie humaine n’est et ne peut être déclarée « inutile ». Voilà notre défi collectif !

Le processus législatif étant sur le point d’aboutir, nous attirons à nouveau l’attention sur cinq points :

1 – Tous les rapports sur la fin de vie alertent sur la déficience française dans l’accès aux soins palliatifs. Le droit d’en bénéficier par tous ceux qui en ont besoin est établi par la loi de 1999. Tel est le premier droit à rendre effectif. Il exige un effort sérieux et déterminé pour que ces soins se développent sur tout le territoire français, à l’hôpital, en EPHAD ou à domicile. Ce développement passe nécessairement par un accroissement de la formation. Nous nous réjouissons de l’annonce d’un nouveau plan triennal pour développer ces soins. Il n’est que stricte justice. Ce plan suffira-t-il ? Il devra être financé, évalué, poursuivi et sans doute amplifié au-delà de ces trois années.

2 – Il est juste et bon de rendre hommage aux soignants et à leur expertise autorisée concernant la médecine palliative. Les recommandations de bonne pratique élaborées par les instances compétentes tracent de mieux en mieux le chemin sûr et responsable d’une médecine palliative qui sait prendre soin de chaque personne en fin de vie en respectant ses souhaits, en bannissant l’obstination déraisonnable, en apaisant les souffrances, en permettant à l’équipe soignante d’être là au temps de l’agonie, en accompagnant les familles et en les associant aux décisions de soin.

3 – La nutrition et l’hydratation, même quand elles sont administrées de façon artificielle, demeurent des besoins de base nécessaires à la vie. En France, elles sont de plus en plus considérées comme des « traitements », alors que dans d’autres pays elles restent des « soins ». Elles ne peuvent être arrêtées que si elles provoquent en elles-mêmes une altération de la santé ou si le patient, à cause d’elles, manifeste une souffrance qu’on ne sait pas apaiser. L’arrêt de la nutrition et/ou de l’hydratation artificielles nécessite un discernement séparé car elles ne répondent pas aux mêmes besoins en fin de vie.

4 – La sédation profonde et continue jusqu’au décès est déjà prescrite et administrée au cas par cas. C’est toujours en dernier recours après avoir constaté que la souffrance est réfractaire à tout autre traitement, selon une délibération collégiale qui permet au médecin d’en prendre la responsabilité. Ces cas sont plutôt rares. Il appartient au jugement médical de vérifier que les conditions requises sont réunies pour que ce traitement de dernier recours soit prescrit.

En respectant le droit du patient à vouloir « dormir », les professionnels de santé, dûment formés, savent répondre à cette volonté par une sédation adaptée prescrite au moment adéquat, laquelle peut être réversible sans que ce patient souffre. Nous joignons notre voix à ceux qui insistent sur la nécessité de la formation de tous les soignants à cette utilisation de la sédation dans le respect des recommandations de bonne pratique. Il serait regrettable qu’une loi vienne simplement pallier un manque de formation des équipes médicales

5 – La loi d’avril 2005, dite loi « Leonetti », fait clairement droit à une dimension inhérente à la réflexion humaine sur l’action : « le double effet ». Mis au jour depuis des siècles, ce principe clarifie la responsabilité et permet une juste prise de décision médicale. La volonté d’apaiser la souffrance par un traitement approprié peut avoir pour effet non voulu la survenue plus rapide de la mort. En effet, le traitement qui soulage la souffrance peut affaiblir les résistances de l’organisme face à la maladie. Le patient ainsi soulagé meurt alors de « mort naturelle », expression qui signifie « la mort non provoquée directement par la volonté humaine ».

L’intention droite du médecin, partagée par l’équipe soignante, qui cherche à prendre soin du patient jusqu’au bout est l’honneur de la profession médicale. Cette intention est au cœur du serment d’Hippocrate. Elle demeure le roc de la confiance mutuelle entre soignants et soignés. Elle a permis les progrès considérables de la médecine palliative. Certes, il y aura toujours des situations qui demeureront difficiles à accompagner et à vivre. Celles-ci nous questionnent et nous bouleversent. Face aux hésitations de notre société devant ces situations et devant la mort, nous avons tous à soutenir cette recherche de la meilleure qualité de soin et d’accompagnement jusqu’en toute fin de vie.

Dans son texte Laudato Si’, le pape François invite à orienter les prouesses techniques par une éthique, une culture et une spiritualité qui permettent de « retrouver la profondeur de la vie » ainsi que « les valeurs et les grandes finalités ». Il est en effet gravement incohérent de vouloir des techniques qui protègent notre planète tout en bravant l’éthique du respect envers les plus pauvres et les plus faibles qui y habitent. Le progrès éthique et spirituel est global ; il demande l’effort conjugué et courageux de tous. Prendre soin de notre maison commune exige une écologie intégrale qui prenne soin de nos concitoyens les plus fragiles, en particulier quand ils s’approchent de leur mort. Dieu nous a confié le soin car il nous sait capables de responsabilité et de fraternité. Voilà la direction du progrès adéquat aux hommes et à leur bonheur de vivre ensemble ! Alors, nous développerons un soin digne de nos frères et sœurs vulnérables en fin de vie. Partageant toujours notre vie, ils nous appellent à un surcroît d’humanité, c’est-à-dire de cœur et de raison.

Mgr Pierre d’Ornellas

Archevêque de Rennes et responsable du Groupe de travail sur la fin de vie.

Mgr Michel Aupetit

Évêque de Nanterre

Dr Marie-Sylvie Richard, xavière

Chef de service à la Maison Médicale Jeanne Garnier (Paris)

Dr Claire Fourcade

Médecin coordinateur, pôle de soins palliatifs de la polyclinique Le Languedoc (Narbonne)

Dr Alexis Burnod

Institut Curie, Service soins palliatifs

P. Bruno Saintôt, jésuite

Directeur du département éthique biomédicale du Centre Sèvres (Paris)

P. Brice de Malherbe

Codirecteur du département d’éthique biomédicale du Collège des Bernardins (Paris)

Publié le 29.10.2015.

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