Père Yves Eouzan

Le chanoine Yves Eouzan est décédé le 3 janvier 2007 à l’âge de 85 ans. Ses obsèques ont été célébrées le 9 janvier 2007 en l’église Saint Michel à Draguignan.

Né le 2 octobre 1921 à Toulon, le père Eouzan avait été ordonné prêtre le 18 juin 1944 à Toulon. Nommé surveillant au petit Séminaire de Hyères, il est appelé comme vicaire économe à la paroisse de Figanières dès 1945 puis à Rians en 1946. Il rejoint Le Beausset en qualité de curé doyen en 1956 avant d’être nommé curé à la paroisse Saint-Vincent à Toulon en 1960. Il y restera 13 ans avant de rejoindre Saint-Flavien au Mourillon puis neuf ans plus tard, en 1982, Draguignan.

En 1994, monseigneur Madec le nomme vicaire général et il rejoint l’évêché avant de se retirer à la maison saint-Charles de La Castille (La Crau) en 1999.


Homélie de la messe des obsèques

Voici le texte de l’homélie prononcée en l’église Saint Michel de Draguignan le 9 janvier 2007 par le père Jean-François Audrain à l’occasion des funérailles du père Eouzan.
(évangile : Jean 21, 15-23)

S’il n’y avait cette page d’Evangile, nous dirions volontiers que ce dont nous avons été témoins tout à l’heure, ces prêtres qui portaient le cercueil d’un homme qui a passé sa vie à porter celle des autres, cette image pourrait à elle seule résumer le père Yves Eouzan dans ces années passées au milieu de nous.

Mais il y a cette page de saint Jean, forte et belle, qui absorbe et dépasse tout autre image pour tenter d’approcher le mystère de l’homme, du prêtre, qui nous rassemble si nombreux dans cette église saint Michel de Draguignan. Comme cette paroisse était chère au cœur du père Eouzan pour les années fécondes qu’il y a passées dans un dernier ministère de curé, mais aussi, parce que c’est ici qu’il a perdu deux jeunes prêtres qu’il avait accompagnés dans le sacerdoce, les pères Alain Vancoponol et Xavier Brou. Il les a pleurés comme un père pleure ses fils ! Et sans doute faut-il l’avoir vu dans ces heures douloureuses pour comprendre de quel amour il a aimé ceux qu’il a portés jusqu’à l’ordination presbytérale.

« Pierre, m’aimes-tu ?… » Par trois fois Jésus pose la question à Pierre en lien avec son triple reniement, et, par trois fois également, lui confie, ou plutôt le « re-confirme » dans sa mission : « Sois le Pasteur de mes Brebis ». Combien de fois avons-nous entendu « le Père » commenter ce passage, en faisant le lien avec le premier appel de Pierre dans la barque, en Luc 5, lorsque là aussi, se reconnaissant pêcheur, tombe aux pieds de Jésus, et reçoit à ce moment précis sa vocation, sa mission : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras ».

Bien sûr, c’est la figure de Pierre qui l’attirait ; sans doute se reconnaissait-il dans ce caractère entier, tout d’une pièce, un peu abrupt et « soupe au lait », généreux et tout donné. Mais plus encore, dans cette humilité du Serviteur qui, dans la confession de sa misère, et l’abandon de toute prétention, s’en remet à l’Amour du Seigneur qui, seul, justifie l’Appel, sa fécondité et sa fidélité. : « Tu sais tout, tu sais bien que je t’aime…. Sois le Pasteur de mes Brebis« .
Il s’était confié en témoignant de la grande découverte de sa vie qui, dans la dynamique de la confiance des maîtres du Carmel, consistait à passer d’une sainteté désirée à la pauvreté offerte. « Rien ne peut nous séparer de l’Amour de Dieu » car « Lui, le premier nous a aimés« , et « Lui seul sait tout, il sait bien que nous l’aimons » ! Et lorsque quelques fautes ou péchés venaient à nous décourager il se moquait gentiment en disant qu’on se sculptait une petite statue bien à notre convenance et qu’un mauvais coup de burin brisait notre œuvre pour mieux laisser le Bon Dieu réaliser la sienne et lui donner son vrai visage d’éternité.

Ainsi le voyons-nous avancer sur le Chemin de Perfection, avec détermination et courage, gravissant la Montée du Carmel comme le Pèlerin Ignacien qu’il était devenu, voulant toujours « davantage », exigeant pour lui-même bien plus que pour les autres, combattant contre lui-même bien plus que contre quiconque, souffrant à cause de lui-même bien plus qu’il ne faisait souffrir.
Le drame de cette belle figure sacerdotale, venait d’une personnalité trop riche aux paradoxes déconcertants qu’il portait avec lucidité comme une croix, ou plutôt, comme « une écharde dans la chair » selon l’expression de saint Paul qu’il aimait à citer.
Ce n’est pas peu dire que les défauts étaient présents, voyants, humiliants. Tellement dérangeants que d’aucuns pouvaient s’y arrêter et passer à côté de la grandeur de l’homme aux qualités étonnantes qui, comme saint Pierre, savait demander pardon et aller jusqu’aux larmes en mesurant son péché, et même, chose plus rare et émouvante, celui de ses dirigés.

Quelle sensibilité ! Et quelle pudeur ! Un faux dur dont le côté bourru et maladroit cachait une incapacité à exprimer ses sentiments. Une forme de timidité aussi, combien de fois l’avons-nous vu passer par la petite porte de la sacristie afin d’éviter de croiser les paroissiens. Avec ce côté « braque » des timides qui, lorsqu’il s’agit de faire une remarque ou un reproche, sont abruptes et blessants par peur de blesser !…
Et il en souffrait, faisait un gros travail sur lui-même. Mais il était plus « père » que « frère », et ceux qui ne l’ont côtoyé que dans la fraternité sacerdotale ont eu à souffrir de la cuirasse du tempérament jusqu’au bout si rugueuse. Mais ceux qui l’ont eu pour « père » ont goûté à la douceur de sa patience, de sa compassion, à la délicatesse de son écoute, et évidemment, à l’élan dynamique de sa spiritualité.

Si d’un côté son humanité se faisait sentir comme étant trop de cette terre, de l’autre, elle avait déjà pris son envol depuis bien des années, vivant en familiarité avec ses amis du ciel dont il savait si bien nous parler. Saint Paul (dont il relisait les lettres chaque année), saint Augustin, Diadoque de Foticé, Ignace de Loyola, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, François de Sales, et bien d’autres encore qui l’entraînaient dans leur sillage en lui donnant une autorité spirituelle et une fécondité dans les entretiens personnels.

C’est à l’école des saints qu’il s’est fait chercheur de Dieu avec cette avidité des âmes blessées et jamais rassasiées, tant et si bien qu’il évoluait constamment, se renouvelant sans cesse, toujours bousculé par quelques découvertes qu’il nous partageait volontiers au cours de repas qui n’avaient rien d’ennuyeux, si ce n’est quelque agacement lorsqu’il proposait de lire tel ou tel livre, ou encore tel autre, et que, ployant sous la charge pastorale, on se demandait bien où trouvait-il le temps de dévorer tous ces ouvrages…

Cette capacité à se renouveler, à se remettre en cause, à chercher encore, à ne jamais s’installer malgré toutes ses années d’expérience (prêtre à 22 ans et demi, six mois après curé de Figannières et ainsi toute sa vie sans jamais passer par la case vicaire… Ceci explique cela…), voilà ce qui nous a le plus marqué et qui a révélé ce cœur de « jeune premier », amoureux de Dieu, du Christ Jésus, de la sainte Vierge qu’il priait avec une âme d’enfant, ami des saints… Il fréquentait le ciel par la vie d’oraison quotidienne et prolongée, entraînant ses vicaires dans ce même silence matinal à l’écoute du Cœur de notre Dieu. Mais il y avait aussi l’étude et la méditation, une véritable passion pour la formation, la Lectio Divina, la prière du chapelet, et bien sûr la célébration de l’Eucharistie. Il aimait et goûtait la liturgie.

Comment s’étonner que de ce cœur sacerdotal, comme d’une source intérieure, jaillisse une fécondité apostolique au service des paroisses comme curé, du diocèse comme vicaire épiscopal pendant des décennies, puis comme vicaire général, gardant le souci de toutes les églises, s’informant avec intérêt de l’actualité de l’Eglise universelle.
A son école l’âme chrétienne ne pouvait être que bousculée et tirée vers le haut.

Et ceux qui l’ont eu comme professeur ou père spirituel au séminaire de La Castille où il s’engagea si fortement dès les premières années, pourraient dire qu’il nous a aidés à être prêtres, à croire en la beauté du sacerdoce diocésain. Et certains d’entre nous sommes heureux de l’avoir eu comme formateur à l’heure des premiers pas, lui, un des derniers « gros curés du Var » comme on les appelait. Il avait des choses à dire. Une façon d’accompagner les âmes, de conduire une paroisse, d’être à la fois « chef » et « père », de transmettre un art, un « savoir faire » sacerdotal qu’il communiquait la plupart du temps par de petites histoires, dans un style bien provençal. Certes, nous ne savions pas toujours très bien si elles étaient réelles ou imaginaires, elles n’étaient pas non plus toujours bienveillantes, mais transpiraient une expérience, une sagesse, un amour et une connaissance du cœur de l’homme, un attachement au diocèse, doublée d’une indéfectible conscience d’appartenir à une même famille. Nous avons vu un prêtre diocésain engagé avec toute son humanité sur le Chemin de la sainteté, et il nous a donné d’y croire !

C’est tout cela que nous pleurons et c’est pour tout cela que nous voulons dire « MERCI« . Nous l’avons reçu en héritage pour en vivre et le transmettre à notre tour.
Bien sûr chacun de vous pourrait ici ajouter à cette évocation…
Bien sûr aussi une homélie d’obsèques ne doit pas être un panégyrique à la gloire du défunt, je l’entends lui-même me dire : « Non… C’est quoi ces c….. » et m’obliger à parler de Dieu, et de Dieu seul, de son Amour dont rien ne peut nous séparer.
Mais sa vie ne nous en a pas éloignés, elle fut pour nous une page d’évangile, un peu l’histoire de Pierre qui se répétait sous nos yeux, une histoire qu’on n’oubliera pas et qui nous engage à sa suite à être « Pasteur », par amour de Jésus et de « ses Brebis », dans la faiblesse et dans la force, dans les doutes et dans la confiance. Abandonné.
« Tu sais tout, Tu sais bien que je t’aime ».
Amen.

Publié le 26.07.2007.

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