Le célibat sacerdotal
Suite aux propos de Mgr Pietro Parolin sur le célibat des prêtres, notre évêque reprécise la pensée de l’Église depuis les premiers siècles au journal Boulevard Voltaire.
Quelles sont les principales objections vis-à-vis du célibat du prêtre?
Mgr R : Le célibat a mauvaise presse de nos jours. On objecte que, dans l’Evangile, Jésus n’a pas exigé de ses apôtres le célibat. On souligne aussi que le sacerdoce conféré à des hommes célibataires est source de désordres, car c’est une violence faite à l’homme et à son équilibre. Dans une société marquée par l’érotisation des relations, la continence relèverait d’une prouesse ou témoignerait de troubles affectifs. On compare aussi la situation du prêtre catholique à celles du rabbin ou du pasteur qui peuvent, eux, se marier. Mais surtout, dans une société qui promeut la revendication des choix individuels et la libre disposition de soi -en particulier de son corps-, le célibat semble être un verrou moral qu’il faut faire sauter.
Pensez-vous que ce soit la volonté du nouveau Pape d’ouvrir ce débat ?
Mgr R : Rien ne le laisse supposer. Dans un livre récent Je crois en l’homme le Cardinal Bergoglio, futur Pape François déclarait : « A l’heure d’aujourd’hui, je souscris à la position de Benoît XVI : le célibat doit être maintenu […] J’en suis convaincu. » Cette prise de position n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans la droite ligne de la tradition de l’Eglise. Les évêques du monde entier ont confirmé, lors du concile Vatican II, le choix du célibat sacerdotal pour les prêtres. Et après eux, les Papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI ont à leur tour rappelé cette position.
Le célibat explique t-il le problème des vocations ?
Mgr R : La pénurie de pasteurs qui frappe les églises protestantes historiques dans les pays occidentaux, alors même que la plupart sont mariés, témoigne du contraire. Dans une société sécularisée et marquée par la transformation profonde du mode de vie des gens, la fragilisation de la cellule familiale et la réduction du nombre d’enfants dans chaque famille rendent plus incertaine l’éclosion des vocations sacerdotales et religieuses, quel que soit son mode de vie. Je constate que ce qui pousse les jeunes à suivre le Christ c’est précisément le désir de l’imiter jusque dans son célibat. Le véritable enjeu c’est d’aider les jeunes à assumer cet état de vie grâce à un équilibre de vie, une ascèse spirituelle, un vrai soutien communautaire et une attitude de foi. En effet, ce choix est à contre-courant des mœurs de nos contemporains et pour qu’il soit une source d’attestation prophétique, il faut qu’il puisse s’inscrire dans la durée. De mon point de vue, derrière la question du célibat, se pose la question de la foi.
Pourquoi l’Eglise défend encore ce principe du célibat des prêtres ?
Mgr R : Plusieurs raisons s’entrecroisent. En premier lieu, le prêtre est configuré au Christ. C’est-à-dire qu’il adopte un style de vie identique à celui du Christ : le choix du célibat, l’obéissance à Dieu et à l’Eglise, une simplicité de vie. Le prêtre veut se consacrer totalement à Jésus et témoigne de son message par l’exemplarité de sa propre vie.
En second lieu, à la suite du Christ, le prêtre est appelé à servir l’Eglise de manière totale et exclusive. Comme le disait un ami prêtre à ses paroissiens : « Je n’ai pas fondé de famille car ma famille c’est vous ! ». La raison de vivre d’un prêtre c’est le bien de la communauté dont il a reçu la charge. Son lien avec elle ressemble à celui d’un père ou d’une mère de famille vis-à-vis de ses enfants. La tradition catholique évoque une dernière raison pour expliquer le célibat des prêtres. Paul VI disait : « Le chrétien habite le monde en venant à lui à partir de son avenir ». Le célibat du prêtre est un signe visible du royaume définitif de Dieu, où comme le dit Jésus : « nous n’aurons plus de mari ni de femme ».
Pourquoi les Eglises catholiques d’Orient, en particulier les maronites du Liban, autorisent les hommes mariés à devenir prêtres ?
Mgr R : Dans les traditions des Eglises catholiques d’Orient des hommes mariés peuvent accéder aux ordres sacrés. Mais la conception du ministère est différente. Et ils ne peuvent pas devenir évêques ! Ces derniers sont choisis parmi les célibataires, en particulier les moines. On remarque d’ailleurs qu’une part importante de ces hommes a fait le choix de ne pas se marier.
Le célibat : dogme ou discipline ?
Mgr R : Le célibat n’est pas un dogme, mais un style de vie qui s’est développé dans l’Eglise depuis les temps apostoliques (IIème siècle). C’est plus qu’une discipline canonique, c’est d’abord un témoignage de fidélité au Christ. Cela relève aussi d’une exigence de paternité. Au prêtre est confié l’enfantement spirituel des chrétiens, ce qui suppose que toutes ses ressources affectives soient mobilisées pour cette cause. Cet engagement réclame à la fois une abnégation et une distanciation, le prêtre ne doit pas exercer de mainmise sur la liberté des consciences. Cela exige aussi d’avoir la capacité d’assumer des frustrations face aux échecs, aux refus. Le célibat choisi est à la fois un témoignage de fidélité au Christ, et une haute exigence. A son propos, Benoît XVI faisait cette remarque : « Quand l’exigence est haute, les chutes sont possibles. » et il ajoutait avec justesse « Dans les époques où le mariage est en crise, le célibat l’est aussi. » (« Le sel de la Terre »).
La responsabilité d’un évêque est d’aider ceux qui font librement ce choix à l’assumer dans la durée, dans la sérénité et dans le courage de la foi même si ce témoignage est parfois mal compris. Je suis témoin chaque année, en accompagnant beaucoup de prêtres, dont certains sont jeunes et d’autres très âgés, que ce choix est vécu pour beaucoup non pas comme une aliénation mais comme le lieu d’une vraie joie et la source d’une fécondité pastorale.
Publié le 27.09.2013.
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