Roseline, fille de Provence
Le 27 janvier 1263, Dieu fait don a la Provence de celle qui sera bientôt le plus glorieux de ses enfants. Ce jour-là, nait aux Arcs ,une petite fille qui reçoit le prénom de Roseline. Belle douce, pieuse et généreuse, elle consacrera les 66 années de sa vie à l’amour du Seigneur et à son service.
Son père Arnaud de Villeneuve , Seigneur des Arcs ,établi le siège à la fois autoritaire et généreux de son pouvoir au château des Arcs. Sa mère Sibylle est issue d une vieille et noble famille du Languedoc venue s’installer en Provence : les Burgoles de Sabran. Un jour qu’elle priait la Vierge dans la chapelle du château, afin de lui recommander l’enfant qu’elle portait dans son sein, elle entendit une voix intérieure qui s’adressait à elle : « tu enfanteras une rose sans épine, une rose dont le parfum embaumera toute la contrée ».
Ce n’est point là le seul prodige qui marque l’arrivée au monde de la petite Roseline, premier des neuf enfants qu’auront Arnaud et Sibylle de Villeneuve. Tant s’en faut : lorsque Arnaud de Villeneuve, impatient de découvrir le nouveau-né, est introduit dans la chambre où vient de naître le bébé, il est saisi de respect et au lieu de baiser le front de l’enfant, il se jette à genoux et les yeux embués de larmes, la gorge serrée, il rend grâce à Dieu. Autour de l’émouvante petite tête aux yeux fermés et à la peau encore toute fripée, une radieuse auréole lui signifie la destinée merveilleuse de son premier né. A 7 ans, on lui fait faire sa première communion et l’évêque de Fréjus, Guillaume d’Albusiac, lui donne la confirmation. Or au moment où le doigt de l’évêque dépose l’onction sacrée sur le front de Roseline et y trace le signe de la croix, le prodige de la naissance se produit de nouveau : les fidèles assemblés dans la chapelle du château voient soudain une lumineuse auréole apparaître autour de la tête de l’enfant et le prélat, joyeux et respectueux à la fois, ne peut s’empêcher de s’agenouiller devant la petite chrétienne si évidemment élue par le Seigneur.
Roseline manifeste dès son plus jeune âge un grand amour pour les pauvres, heureuse de leur faire l’aumône de ses propres mains. Elle pousse souvent sa charité jusqu’à la prodigalité et les mendiants reçoivent parfois au delà de leurs besoins. Elle donne sans mesure, distribue sans compter. Elle rassasie les affamés qui se pressent autour d’elle sous les remparts, sans oublier ceux que retiennent dans leur demeure, la honte ou l’infirmité. Mais au château les celliers se vident : l’intendant s’en alarme. Il multiplie les avertissements jusqu’aux plaintes auprès du seigneur Arnaud. Celui-ci finit par interdire à sa fille de faire ses largesses et la prie de bien vouloir laisser ce soin au cellérier ; mais les celliers continuent de se vider. Il ne reste plus alors au seigneur Arnaud qu’à surprendre sa fille Roseline en flagrant délit de désobéissance.
Un matin Arnaud se cache près de la porte qui mène du cellier à la cour du château et ne tarde pas à voir apparaitre Roseline qui se hâte, les pans de son tablier relevés comme chaque jour sur une bonne provision de pain. A la vue de son père, Roseline rougit de stupeur et de confusion ! « Ma fille, dit il, ou-vous hâtez vous de la sorte ? Montrez moi plutôt ce que vous cachez dans votre tablier ». Rendue muette par la conscience de sa désobéissance mais prenant en son for intérieur Dieu à témoin du sentiment de charité qui l’a inspirée, Roseline ouvre ses mains et laisse tomber son tablier. Son père voit alors s’en échapper toute une brassée de roses, et pourtant nous ne sommes qu’au mois de janvier. Depuis lors, Arnaud de Villeneuve laissa sa fille libre d’exercer la charité comme il lui plaisait et sa maison ne fut pas ruinée pour autant.
Cet épisode de la vie de sainte Roseline est celui qui a le plus frappé l’imagination populaire dans le cours des siècles, et surtout il range celle-ci parmi les saintes fleuries pour qui la rose sera l’arme de bonté.
Roseline a douze ans lorsque sa mère disparaît. Etant l’aînée de neuf enfants, elle prendra son rôle de maîtresse de maison très à cœur ; ses qualités sont nombreuses et ne manquent pas d’attirer des soupirants et autres prétendants. Mais le cœur de Roseline n’y est pas : depuis le miracle des roses, elle sent que Dieu a d’autres vues pour elle. En effet après avoir convaincu son père, Roseline ira faire son noviciat à la chartreuse de Bertaud dans les Hautes-Alpes : elle a seize ans. Là, elle éprouvera la solidité de sa foi. En un an, il apparait clairement à la mère supérieure que la jeune novice a toutes les qualités et les vertus requises pour entrer dans la grande famille de saint Bruno. Un nouveau miracle se produit et vint attester pour elle les faveurs du ciel : un jour qu’elle était chargée de préparer le repas pour la communauté, elle fut saisie d’une extase profonde et s’endormit. La cloche du monastère appelant pour le repas la ramena sur terre. Elle vit le feu éteint, la table vide ; une confusion extrême, la honte du devoir oublié s’emparèrent d’elle ; tombant à genoux elle ferma une seconde les yeux. Lorsqu’elle les rouvrit, quelle ne fut pas sa stupeur ! Le repas avait été préparé par des mains mystérieuses et sur la table les couverts étaient alignés. Les sœurs ,qui étaient entrées avaient pu assister à la fin de ce prodige et à l’envoi des anges venus au secours de la sainte. Elle fera profession le jour de Noël 1280. Devenue chartreuse, Roseline restera cinq années à Bertaud, mais la rudesse de la vie qu’elle y mène, les mortifications qu’elle s’inflige en hommage à Dieu, menacent de venir à bout de sa résistance physique. En 1285, la prieure l’envoie au couvent de la Celle Roubaud, à moins d’une lieue du château des Arcs. Trois ans se passent dans une grande joie de s’être rapprochée des siens : elle sera consacrée diaconesse et recevra les insignes de son union avec le Christ : l’anneau, le voile, le manipule, la croix et le bréviaire. Roseline a vingt-cinq ans à peine, l’âge minimum imposé par les règles de l’ordre pour la consécration. En 1298, le pape Boniface VIII décrète la clôture pour tous les couvents de moniales ; moment difficile dans la vie de Roseline qui est séparée définitivement des siens. Elle est nommée prieure du couvent de la Celle Roubaud en l’an 1300, elle a 37 ans.
Le priorat de Roseline dure plus d’un quart de siècle : de 1300 jusqu’aux abords de 1329. La prière et la charité, sont avec la gloire du Seigneur les principes qui continuent de gouverner la vie de Roseline. Deux famines ont marqué son priorat : l’hiver 1302 et celui de 1314 exceptionnellement long et froid au point de détruire la plupart des oliviers et vignes dans toute la région ; des épidémies s’ajoutant à la faim, la population ne songe qu’à fuir. Roseline, une fois encore conjugue l’action et la prière, le jeûne au point de rester plusieurs jours sans autre nourriture que l’eucharistie. L’exemple de la prieure impressionne le peuple affamé, qui trouve la force d’attendre des livraisons de blé arrivées des régions voisines.
Les premiers jours de 1329 sont les derniers de la sainte en ce monde. Un froid matin de janvier, elle est prise d’une telle fièvre qu’elle ne peut plus tenir debout. Allongée sur sa couche de paille, elle demande la communion qu’elle reçoit au milieu de ses sœurs qui l’entourent. On l’entend murmurer « amour et confiance »puis elle ferme les yeux. Alors une douce lumière emplit la cellule et l’on aperçoit dans un halo les trois saints de l’ordre cartusien : saint Bruno le fondateur, saint Hugues de Grenoble et saint Hugues de Lincoln tenant chacun un encensoir à la main. Plus prodigieux encore, voici qu’apparait la Vierge portant l’Enfant Jésus dans ses bras. Roseline n’est plus de ce monde. Elle a expiré le 17 janvier 1329 à l’âge de soixante-six ans.
Au bout de cinq années de démarche, Jean XXII fixe la date de la cérémonie d’exhumation et translation du corps de la Sainte : le 11 juin 1334 jour et année même où celui-ci étend à toute l’Eglise la célébration de la Trinité. Depuis lors chaque année, le jour de la Sainte Trinité aux Arcs, un pèlerinage est fait en mémoire de Sainte Roseline.
Après cinq années passées en terre le corps de Sainte Roseline apparut aussi intact qu’au jour de ses obsèques, ses yeux avaient gardé l’éclat bleu de leur regard et semblaient considérer l’assistance émerveillée. Détachant les yeux si prodigieusement conservés, son frère Elzear de Villeneuve parvint à les extraire de leurs orbites et les recueillit dans un reliquaire qui est exposé dans la chapelle encore de nos jours ainsi que son corps qui est conservé miraculeusement dans une chasse. Le 29 septembre 1859 il fut accordé une indulgence plénière à ceux qui visiteraient une église des chartreux le jour de la fête de la Sainte en l’occurrence le 17 janvier.
Le culte de cette Sainte, la vénération prodigieuse dont elle sera l’objet se perpétue encore de nos jours, malgré les sept cent cinquante ans qui nous séparent de sa naissance.
Publié le 18.03.2013.
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