Pâques en terre étrangère
Cet article est paru dans la revue Vivre ensemble l’Évangile aujourd’hui, à l’automne 2011 dans le numéro 343.
Fernand semble effondré par cette nouvelle. Il a lui-même connu l’expérience d’être un étranger. Partagé entre rester à la célébration ou aller sur place, pour le déculpabiliser, je lui dis : « II te faut quitter le Christ pour rejoindre le Christ. On commémorera ensemble le geste du lavement des pieds, toi sur le parking, nous à l’ Église. »
Le soir, nous retrouvons enfin le parking de la préfecture. Une foule impressionnante est là.
L’animation est assuré par une cinquantaine d’enfants de moins de 12 ans. Je retrouve des visages connus : des bénévoles du Secours Catholique et de France Terre d’Asile, de Sichem et même de Tchachipen, une association Rom animée par Chacha. Jean-Marie, Fernand et Emmanuel se sont démené pour trouver des couvertures pour tout ce petit monde. Ces familles viennent presque toutes de Modrica, une ville de Bosnie.
Chacha, aidé d’autres gens du voyage, a improvisé une cuisine ambulante dans sa camionnette et sert à tout le monde une soupe chaude. Les enfants commencent à se coucher sur des cartons. Les visages sont tendus, |es regards des femmes très inquiets. Nous leur promettons de ne pas les laisser tomber même si entre nous nous répétons : « Mais dans quelle galère nous sommes-nous mis ? »
Le Vendredi Saint, je devais me rendre disponible pour le chemin Croix. Difficile de ne pas penser à toutes ces familles laissées sur le parking en méditant chacune des étapes de ce chemin de Croix. Le supérieur du séminaire de La Castille m’interpelle. Je lui raconte ce qui est arrivé. Il me propose d’installer les familles sous le chapiteau du diocèse, le temps de trouver une solution.
Aussi, dès le soir du Vendredi Saint, une noria de voitures emporta les familles jusqu’à La Castille : des bonnes volontés affluaient, on ne sait d’où, pour apporter matelas, couvertures et cafés. En voyant cet « exode organisé » avec ces familles qui ne savaient pas où elles allaient, je me disais intérieurement : « C’est la Pâque du Seigneur ! Voici qu’Il vient pour faire toute chose nouvelle. »
Le Samedi Saint, on leur proposa de fêter Pâques et l’on découvrit qu’ils étaient musulmans. Qu’importe après tout : on décida de dresser la table de fête et de chanter ensemble pour célébrer l’événement et se remettre des émotions.
J’ai souvent repensé à l’ exode qui ne se limite pas à la mise en route, au passage de la mer mais surtout à la longue traversée du désert. Accueillir l’étranger c’est consentir à vivre la Pâque en écoutant avec confiance la Parole de Celui qui nous dit : « j’ai ouvert devant toi un passage. »
Publié le 06.04.2012.
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