Faut-il changer nos styles de vie ?

Benoît XVI appelle depuis des années à adopter des styles de vie simples, respectueux de la Création. Comment changer nos modes de vie à la lumière de l’Evangile ?


Par Philippe Conte

Responsable de la Commission Environnement de l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon

Il est très fréquent d’entendre dire que la modification de nos modes de vie est une des clés de la lutte contre la dégradation de l’environnement ; et il n’est pas douteux que la situation actuelle est la résultante de chacun de nos actes personnels libres. Nul en effet ne nous contraint à consommer de la manière dont nous le faisons, de cette manière massive et irresponsable. Toutefois il est dangereux d’aborder le problème sous cet angle.

En effet dans cette perspective, il devient rapidement nécessaire d’établir deux catégories : les comportements « conformes » et les « non-conformes ». Il s’ensuit logiquement que les pouvoirs publics (ou des acteurs non gouvernementaux comme diverses ONG) se voient implicitement attribuer le rôle de politiques délibérées d’élimination des attitudes déviantes !

C’est bien cette véritable entreprise d’ingénierie sociale que nous voyons régulièrement à l’œuvre, souvent avec les meilleures intentions, parfois avec des objectifs moins avouables. On voit facilement les dangers que comporte cette démarche, on voit son potentiel liberticide. Il suffit de penser que ce sont les mêmes techniques qui ont permis (et permettront demain) les modifications « sociétales » les plus abracadabrantesques. Ces techniques ont été mises au point au début du siècle précédent dans le but de contrôler les masses et étaient désignées à l’époque par le néologisme léniniste d’ « agitprop ». Elles reposent in fine sur une vision mécaniste de l’homme.

Nous voici bien loin de la conception chrétienne. Pour le catholicisme, c’est bien la liberté personnelle, don de Dieu, qui caractérise la personne humaine. C’est par libre adhésion aux enseignements du Christ que nous pouvons, par une conversion de toute la personne, vivre de façon chrétienne. On remplacera ainsi le conditionnement par l’éducation. Il s’agit là d’une véritable révolution au sens premier du terme, c’est à dire un renversement de perspective. Pour le contenu de cette éducation, il ne s’agit nullement d’information sur le recyclage, il s’agit d’inhabitation des vertus et tout spécialement de la première d’entre elles : la charité.

« La charité n’est pas envieuse ; la charité de se vante point, elle ne s’enfle pas d’orgueil, elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt »[1]. Envie, orgueil, intérêt ne s’agit-il pas des moteurs principaux qui nous conduisent, avec nos contemporains, à cette succession d’actions inadéquates. Supprimez envie, orgueil, intérêt et la publicité perd instantanément ses leviers qui lui permettent de conditionner nos comportements ! Outre qu’il s’agit là d’une « preuve expérimentale » de l’incroyable puissance de l’enseignement du Christ[2], cette prégnance de la charité sur la vie des chrétiens entraînerait une réorientation complète de façon de vivre. En effet paradoxalement, la hausse du revenu moyen depuis le milieu du siècle dernier, produit indirect du consumérisme, a comme conséquence d’avoir accru notre pouvoir (qui est justement et de façon fort restrictive appelé pouvoir d’achat). La réorientation de ce pouvoir vers des usages communs, alliée à un retour vers une sobriété évangélique, sont les voies vers une société rechristianisée seule à même de résoudre en profondeur la crise environnementale en respectant la liberté. L’enjeu véritable et là ! Un technicien de l’environnement comme Jean-Marc Jancovici[3] pointe depuis longtemps ce risque : dans notre modèle social actuel totalement structuré par « l’émancipation de l’individu » et donc par l’irruption de ses désirs désordonnés la voie la plus probable de la modification des modes de vies et son imposition par un pouvoir fort seul à même de redonner une limite a un appétit de consommer qui ne porte en lui nul frein.

En conclusion on doit donc répéter que seul l’enseignement du Christ et de son Eglise peut nous libérer et seule la liberté est conforme à la vocation de l’homme.

[1] Saint Paul première épitre aux corinthiens 13-4.

[2] « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous affranchira ». Evangile selon saint Jean 8-32.

[3] Ingénieur qui a conceptualisée avec l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) le protocole de calcul du « bilan carbone ».

Publié le 14.09.2012.

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