Défendre le mariage civil ?

Même si les grands thèmes de société n’ont pas été au cœur de la campagne des élections présidentielles, largement dominée par les questions économiques, on a abondamment commenté chez les catholiques la perspective du mariage homosexuel. Ainsi est revenue sur le devant de la scène la nécessité pour certains d’une défense plus vigoureuse du mariage civil, de l’urgence de sa revalorisation, de l’éventualité même d’une participation des catholiques (experts en la matière…) à sa préparation.


Par P. Louis-Marie Guitton

Responsable de l’Observatoire Sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon

Même si les grands thèmes de société n’ont pas été au cœur de la campagne des élections présidentielles, largement dominée par les questions économiques, on a abondamment commenté chez les catholiques la perspective du mariage homosexuel. Ainsi est revenue sur le devant de la scène la nécessité pour certains d’une défense plus vigoureuse du mariage civil, de l’urgence de sa revalorisation, de l’éventualité même d’une participation des catholiques (experts en la matière…) à sa préparation.

Il n’est pas question ici de remettre en cause l’institution du mariage comme telle, cellule de base de la société. Il est évident pour nous que le législateur, pour le bien de la société, non seulement se doit de reconnaître le mariage, mais aussi de l’encourager et de lui donner un statut auquel nulle autre union ne devrait pouvoir prétendre.

Pourtant, il est assez évident qu’institué par une loi de 1792, qui prévoyait aussi le divorce, le mariage civil est né dans un contexte profondément hostile à la foi chrétienne. Ne parvenant pas à le remplacer, il deviendra le préalable à tout mariage religieux, du moins après le rétablissement de la liberté de culte en 1795.

Il en va du mariage civil comme de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. En France, d’abord fruit d’une conception obtuse et agressive de la laïcité et de la liberté religieuse, elle a pu être interprétée plus tard de façon ouverte et positive, comme découlant même d’une vision chrétienne des rapports entre les réalités temporelles et spirituelles. Ainsi le mariage civil est souvent considéré par les croyants comme un mariage naturel, valide et indissoluble entre deux personnes non-baptisées par exemple. Le rappel fréquent par Benoît XVI de la nécessité de redonner ses lettres de noblesse à la raison humaine semble encourager dans ce sens. On doit pouvoir trouver les fondements du bien et du vrai dans la nature et la raison. A ce titre, le mariage appartient à l’ordre des réalités naturelles, qui ne sont pas à proprement le cœur de la Révélation chrétienne.

Force est de constater cependant que sans l’éclairage de la foi et son rôle purificateur, la raison n’échappe pas à un certain obscurcissement. Cette « éclipse de la raison » est déjà sensible dans l’Evangile, lorsque Jésus parle de l’indissolubilité du mariage comme de quelque chose qui aurait dû être connu. Elle est encore plus visible aujourd’hui face à l’extension du mariage aux homosexuels. Le mariage civil, déjà relativisé par le divorce, considérablement affaibli par l’existence d’autres unions possibles (concubinage, pacs), gardera-t-il encore une valeur quand deux personnes de même sexe pourront y prétendre ?

Est-il facile de s’y opposer en se plaçant uniquement sur le plan des valeurs « humanistes et universelles » et de rappeler les limites fondamentales du bien et du mal ? Pourra-t-on longtemps encore affirmer que le mariage civil est assimilable au mariage naturel ? D’autant que les revendications actuelles en sont déjà à « l’étape suivante ». La possibilité de l’adoption étant donnée pour évidente, on propose maintenant « au lieu d’ouvrir le mariage, de le supprimer, ou plutôt de le confondre avec le pacs en un contrat universel ouvert à davantage de possibilités (polygamie, mariage à trois ou plus, zoophilie…). Mieux vaudrait aligner le mariage sur le pacs que le contraire ! » affirme ainsi Lionel Labosse (Le Monde, 19 mai). Ou encore : « Le mariage ? On s’en fiche, du mariage, à vrai dire, non ? C’est un symbole dépassé chez les hétéros… » (Yves Portier-Réthoré, Le Nouvel Observateur, 23 mai). Même le mariage homosexuel serait biphobe, puisqu’il exclue les bisexuels ! Si le seul critère du mariage est le désir individuel, sans aucun lien avec la famille ou la filiation, alors le mariage risque de n’en garder que le nom.

Face à ces courants qui poussent à modifier la définition légale du mariage, « les efforts de l’Eglise pour résister à cette pression comprennent une défense raisonnée du mariage comme institution naturelle consistant en la communion de personnes enracinée dans la complémentarité des sexes et orientée à la procréation. La différence des sexes ne peut être considérée comme secondaire dans la définition du mariage ! » (Benoît XVI, 9 mars 2012) Notre devoir consiste donc d’abord dans cette défense en raison du mariage.

Mais les chrétiens ne pourront défendre coûte que coûte un mariage qui serait ainsi redéfini, une institution vidée de sa substance. Le temps sera peut-être venu de gestes significatifs, comme celui de demander la reconnaissance de la valeur civile de notre mariage religieux. La célébration du sacrement de mariage sans l’obligation de procéder auparavant à un mariage civil ne serait que le signe de notre profond respect pour le mariage. L’annonce de la Bonne Nouvelle sur le mariage et sur la famille passe par le témoignage non équivoque rendu à l’alliance indissoluble entre un homme et une femme en vue du bien des enfants et de la société tout entière. Le mariage civil n’est pas un absolu !

Assurément un grand combat se joue devant nos yeux, pas seulement politique. « Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre ; l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste. » Le mépris pour le mariage et sa déconstruction méthodique procède bien de cette culture de mort, si caractéristique dans ses atteintes à tout ce qui porte l’empreinte et l’effigie du Créateur. Il y a un Evangile sur le mariage, véritable prophétie pour le monde qui l’a oublié. La meilleure manière de le proclamer n’est pas de s’en retirer, mais pas non plus de chercher à tout prix à se rendre à lui.

Publié le 07.06.2012.

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