Gaz à tous les étages
La baisse des émissions de gaz carbonique est-elle une bonne nouvelle ?
Par Philippe Conte, commission environnement de l’Observatoire sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon
Réduire des émissions de gaz à effet de serre
La réduction des émissions de gaz à effet de serre est le moyen majeur qui permette à l’homme de limiter le réchauffement climatique. Le Groupement Intergouvernemental d’Expert sur le Climat (G.I.E.C.) a déterminé, en l’état de la science, les seuils de concentration avec leurs conséquences prévisibles sur la température moyenne. Ainsi une concentration de 450 ppm induirait une hausse moyenne de 2°C à la fin du siècle, alors qu’une concentration de 1200 ppm entraînerait une augmentation ; catastrophique de 6°C ! Dans tous les cas, pour ne pas dépasser ces valeurs, l’économie du monde doit se « décarbonner ». En effet même cette valeur bien trop élevée de 1200ppm ne pourra être atteinte qu’au prix d’une réduction de 1,6% par an jusqu’ à 2050 de l’intensité carbone de l’économie mondiale.
L’intensité carbone est un indice qui permet d’évaluer la quantité d’énergie fossile nécessaire à l’obtention d’un point de PNB, c’est une mesure de l’efficacité de l’appareil productif. Le Centre de réflexion PWC est situé en Grande-Bretagne et il rédige chaque année un rapport qui permet de suivre, pour les plus grandes économies de la planète, l’évolution de cette intensité carbone. Le rapport pour l’année 2011 a été publié début novembre. Quels enseignements apporte-t-il ?
Contrairement au discours dominant, l’Allemagne, qu’à droite comme à gauche, on présente comme un modèle qu’il faut s’empresser de suivre, contrairement à ce que nous dit l’écologie politique sur les « choix courageux » de l’Allemagne en matière énergétique, c’est notre pays qui voit son intensité carbone baisser le plus rapidement de tout le G20 : -7,7%. Non seulement l’économie française se « décarbone » plus vite que les autres économies développées mais c’est également celle qui a l’intensité carbone la plus faible du G20 : 153 tonnes d’équivalent CO2 pour un milliard de dollars de PNB, tandis que l’économie allemande émet 237 tonnes pour le même montant ; plus même que les Etats-Unis ! Est-ce à dire que les efforts si souvent évoqués du gouvernement de Berlin sont inefficaces ?
Réintroduire la variable cachée
Il est évidemment nécessaire de faire la part (qui n’est pas faible) de la communication, du « story telling », dans cette vision iréniste de nos partenaires mais néanmoins concurrents, mais il y a également des variables cachées qui n’entrent pas dans le scénario standard auquel on nous demande d’adhérer. En effet, cette différence notable, en termes d’émissions polluantes, est due, d’une part, aux centrales nucléaires qui fournissent plus de 70% de l’électricité produite dans le pays et, d’autre part, à la désindustrialisation qui frappe la France ! Durant ces dix dernières années la part de l’industrie dans notre PIB a reculé de plus de 5%, avec les conséquences sur l’emploi que cela implique. Notre pays expérimente donc, sans l’avoir choisie, la théorie de la décroissance. Or qu’observe-t-on ? Sans doute un impact non négligeable en terme de pollution évitée mais également un coût social et humain non négligeable. Pour se faire peur il faut rappeler que ce taux de « décarbonation » est sensiblement la moitié de celui évalué par le GIEC pour parvenir aux +2°C ! On imagine sans peine les dégâts sociaux que provoquerait une décroissance suffisante pour atteindre nos objectifs. La résolution de cette contradiction ne peut être que dans la mise en œuvre d’un nouveau paradigme économique. Paradigme dans lequel le profit n’est que le reflet de l’efficience économique et non la fin absolue et unique des entreprises.
Le compendium de la doctrine sociale rappelle à ce sujet : « La doctrine sociale reconnaît la juste fonction du profit, comme premier indicateur du bon fonctionnement de l’entreprise: Quand une entreprise génère du profit, cela signifie que les facteurs productifs ont été dûment utilisés. Cela n’empêche pas d’avoir conscience du fait que le profit n’indique pas toujours que l’entreprise sert correctement la société. »
C’est donc bien en réorganisant les entreprises pour qu’elles servent la société qu’il sera possible de sortir de ces contradictions en apparence insurmontables.
Philippe Conte
Publié le 04.12.2012.
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