L’Eglise de France s’engage pour l’écologie
« En quoi la crise écologique dans laquelle nous sommes entrés concerne-t-elle l’Eglise ? Certains, eux-mêmes engagés, attendent qu’elle dise quelque chose à ce sujet et trouvent qu’on ne l’entend pas assez. Quelle parole spécifique a-t-elle à proposer aux chrétiens et plus largement à tous ceux qui cherchent à définir de nouveaux modèles de développement ? »
Par Falk van Gaver
Délégué de l’Observatoire Sociopolitique du diocèse de Fréjus-Toulon
Le Groupe de Travail Ecologie et Environnement de la Conférence des Evêques de France vient de publier un bref rapport sur la question. Lecture.
« En quoi la crise écologique dans laquelle nous sommes entrés concerne-t-elle l’Eglise ? Certains, eux-mêmes engagés, attendent qu’elle dise quelque chose à ce sujet et trouvent qu’on ne l’entend pas assez. Quelle parole spécifique a-t-elle à proposer aux chrétiens et plus largement à tous ceux qui cherchent à définir de nouveaux modèles de développement ? »
C’est sur cette interrogation que s’ouvre le bref document que propose après 2 ans de travail le groupe Ecologie et Environnement de la Conférence des Evêques de France, composé d’une douzaine de personnes – pasteurs, économiste, théologien.
« Cette responsabilité implique que l’Eglise ne doit pas se limiter à faire des discours généraux sur l’importance de se préoccuper du « développement durable ». »
Approfondissant la théologie de la Création, l’Eglise « peut accompagner les réflexions de ceux qui oeuvrent sur le plan scientifique, économique, politique, pour rappeler la priorité de la dignité de l’homme, sa stature de créature responsable de son intégrité et de sa croissance, en solidarité et non pas en supériorité avec la nature qui l’environne et avec les autres hommes. »
La crise écologique introduit une nouveauté radicale dans notre manière d’appréhender le monde, et nécessite une transformation non moins radicale de nos modes de vie.
« Or, la transformation à faire ne peut se réduire à un changement de nos habitudes. Certes, il faut modifier nos comportements quotidiens et ce ne sera pas facile, mais ce qui est en jeu, c’est une véritable métamorphose de notre conception de « la vie bonne ». Qu’est-ce qui nous permet de vivre mieux, autant au niveau individuel que collectif ? C’est le fondement même de la vie qui est concerné par cette crise et non seulement ses conditions matérielles. »
Notre rapport au temps, à l’espace et à autrui est à refonder.
« Le catastrophisme s’impose naturellement dans notre vision de l’avenir. » Mais il faut proclamer l’espérance chrétienne : « Associée à la résurrection, l’espérance n’est pas celle d’une attente angélique mais, bien au contraire, celle d’une traversée de la mort. »
Face au court terme, à l’accélération, il s’agit de favoriser le long terme, d’apprendre la contemplation, le shabbat : « L’humain ne se réalise pas seulement dans l’action ; le repos et la contemplation lui permettent un plus juste rapport au monde. »
Il faut « développer une approche positive de la limite », « une reconsidération positive de la proximité », et permettre « à chaque pays de peser sur les décisions indépendamment de son poids économique ».
Il s’agit également de « contester une vision du rapport à « l’autre » pensé sous le seul mode de la rivalité. Cet autre pouvant être bien sûr un semblable, un frère (voir Caïn et Abel), une communauté humaine, mais aussi le monde dont nous faisons partie prenante. »
« La crise écologique nous confronte de manière radicale à la fragilité humaine. Le progrès technique a produit l’illusion d’une toute-puissance humaine capable d’une croissance infinie. »
Ce qui est requis de nous, c’est à la fois engagement et détachement, comme des « serviteurs inutiles » : « Si le déploiement de notre responsabilité en ce monde suppose un engagement courageux, il implique aussi un détachement qui exclut l’attitude du maître dominateur. »
Les évêques appellent à « une alliance renouvelée entre l’homme et le reste de la Création » et invitent à développer une théologie et une catéchèse de la Création : « En raison de la profonde solidarité entre l’homme et le monde créé, théologie et catéchèse de la Création sont désormais essentielles à toute proposition de la foi chrétienne. »
Il faut développer des formations en ce sens et encourager « la formation de groupes de chrétiens pour réfléchir aux questions liées au respect de la Création », mais aussi, mais avant tout, célébrer Dieu Créateur et « entreprendre un travail de valorisation de la dimension écologique de la liturgie. » Les évêques encouragent « l’instauration de fêtes de la Création » et préconisent de « donner un relief nouveau à l’expérience séculaire des « bénédictions »[1] et du jeûne pour stimuler la relation à la nature et faire découvrir la fécondité d’une sobriété heureuse. »
« Le rituel de l’Eglise catholique prévoit déjà beaucoup de prières de bénédiction, au début des semailles ou à la fin des récoltes, devant les éléments précieux de la nature, la terre, l’air, l’eau et le feu, ou face aux animaux. Une relecture juste des récits bibliques de la Création nous rappelle que le Créateur nous a placés au centre du jardin, non pas pour le négliger et en abuser, mais pour l’entretenir et en user avec respect, sens du partage et souci des générations futures. C’est une offense faite à Dieu que de négliger et mépriser sa Création. C’est aussi une offense mutuelle que nous nous faisons les uns aux autres, humains, animaux, végétaux et minéraux, tous créatures d’un unique Créateur. »
Une attention spéciale au monde rural : « Un grand défi à relever : l’accompagnement du monde rural dans les situations difficiles qu’il vit aujourd’hui. » Les évêques citent notamment comme exemples d’action positive les « Journées Paysannes » (www.journees-paysannes.org) et les AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne).
Les évêques invitent, en lien avec « Diaconia 2013 », les Eglises et les chrétiens à être exemplaires dans leurs choix, « écologiquement irréprochables ».
Ils proposent les monastères comme sources d’inspiration : « L’expérience monastique d’équilibre économique et social, spirituel et environnemental, autrement dit de « sobriété heureuse », doit être mise en valeur comme mode de vie alternatif. »
Il ne faut pas moins qu’ « une conversion de nos mentalités marquées par l’individualisme et le consumérisme. Pour des chrétiens, les changements de nos modes de vie devraient être considérés comme une bonne nouvelle. Cet engagement relève en partie de décisions individuelles, et surtout de choix communs, à chaque niveau gouvernemental, local, régional, national, européen, mondial. »
C’est sur cet appel à une conversion écologique, à une conscience écologique, à la suite de Jean-Paul II et Benoît XVI, qu’ouvrent les évêques en finale : « Il n’y a pas d’écologie qui ne soit globale : terre, homme et Dieu, créatures et Créateur sont étroitement liés. Respecter la terre, c’est respecter l’homme. Aimer l’humanité, c’est aussi aimer la terre. Tous les êtres sont nés sur une même terre, terre mère, terre nourricière. Une même destinée, une même solidarité les unit. Cette solidarité est au cœur de la question écologique. »
« Il n’est pas possible d’aimer Dieu et son prochain en restant indifférent à l’avenir de la Création. »
« Pour changer notre monde, changeons notre cœur ! Il y a une conversion à faire, un sursaut moral majeur, un changement radical de nos façons de penser, de communiquer et de nous déplacer, de travailler et de consommer. Il est temps d’associer à nouveau, goût de vivre et sobriété, usage et respect, bonheur et simplicité ! »
C’est au prix de cette « courageuse désappropriation » que nous pourrons chanter avec saint François d’Assise :
« Oui, loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre,
Qui nous porte et nous nourrit,
Qui produit la diversité des fruits,
Les fleurs diaprées et les herbes… »
Enjeux et défis écologiques pour l’avenir, Conférence des Evêques de France – Groupe de Travail Ecologie et Environnement, Avant-propos de Mgr Marc Stenger, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2012, 78 p., 3 €
Autres lectures :
La Création au risque de l’environnement, Conférence des Evêques de France, Conseil pour les questions familiales et sociales, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2008
Le Respect de la création, Commission sociale des évêques de France, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2000
Si tu veux construire la paix, protège la création, message du pape Benoît XVI pour la Journée mondiale de la Paix, 1er janvier 2010
La Paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création, message du pape Jean-Paul II pour la Journée mondiale de la Paix, 1er janvier 1990
Conseil Famille et Société de la Conférence des Evêques de France – Antenne Environnement et Modes de vie : www.penseesociale.catholique.fr
Diaconia 2013 – Groupe EcoloCatho : www.diaconia2013.fr/category/ecolocatho/
[1] Rogations
Publié le 07.06.2012.
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