Véronique Martin : “Kaïré est un espace de liberté, de créativité et de fraternité”
– Chère Véronique, nous te voyons à Kaïré dans l’animation de nombreuses activités, peux-tu nous dire ce qui t’a amenée à ce travail ?
– J’ai découvert le théâtre vers mes 15 ans, ma prof de Français nous avait fait jouer Le Petit Prince, et tout de suite après, j’ai été voir un spectacle que j’ai reçu comme un choc bouleversant. J’ai ensuite participé à une troupe d’animateurs comédiens pour un spectacle d’histoires et d’expressions populaires, ils faisaient partie de la Communauté de Cluny. J’ai été embarqué dans cette aventure qui a été pour moi une conversion à travers l’expression artistique et théâtrale. Après le bac, je les ai rejoints pour faire la formation d’animateur de projets artistiques. C’est là où j’ai rencontré Jean-Marie, mon mari.
3 ans après, nous avons débarqué à Toulon, accueilli par Gilles Rebêche qui m’a parlé des Ateliers de Paix où pouvait se monter un atelier théâtre. En 89-90, s’est créé le théâtre de la Gargouille où participaient des gars de la rue. On travaillait ensemble aussi sur les décors. Jean-Marie travaillant sur Jéricho, le lien était facile. Après le voyage de l’Espérance de 99 à Lourdes, on a crée avec l’aide du Secours Catholique, un atelier d’arts plastiques, devenu atelier de la Gribouille. Gargouille plus Gribouille ont donné naissance à Kaïré en 2000-2001. J’ai fait aussi une formation clown et de Théâtre Forum créé par Augusto Boal, un Brésilien : il s’agit d’une forme de théâtre interactif qui met en scène des situations d’oppression et interpelle le spectateur pour trouver des solutions à ces situations.
– Qu’est-ce qui te motive dans ce que tu fais?
– Je défends l’idée que l’accès à la culture n’est pas un luxe, une activité secondaire que l’on ferait après avoir réglé ses problèmes. Pour ceux qui sont en grande difficulté, participer à un projet artistique donne un sens à leurs vies, leur permet de se reprendre en mains et se projeter à nouveau (trouver du travail, un logement, sortir de l’isolement). Il y a une transformation de l’estime de soi, les personnes se rendent compte qu’elles peuvent vivre comme tout le monde. Elles réalisent qu’elles sont capables de faire quelque chose, qu’elles ont des talents à partager, des richesses, même si leurs vies ont été chaotiques. Quand on est dans les ateliers, il n’y a plus celui qui est en difficulté et celui qui ne l’est pas. Les barrières tombent et chacun est sur le même pied d’égalité avec ses forces, ses faiblesses, ses blocages. C’est la force de cette expérience.
– Tu as donc quelque chose à dire à nos lecteurs…
– Oui, depuis que j’ai découvert la diaconie, je suis très sensible à la place qu’on donne aux personnes vulnérables. Cela me révolte de ne pas considérer l’autre comme son égal parce qu’il a un handicap, une difficulté. Ces personnes doivent être valorisées, regardées autrement. Il est important qu’un espace comme Kaïré puisse perdurer : c’est un espace de liberté, de créativité et de fraternité ; ça va même plus loin que la solidarité parce qu’on partage une vraie relation, on est dans l’échange. « L’art et la culture, une chance pour la fraternité ».
Propos recueillis par Michel Denis.
Publié le 04.07.2013.
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